Une semaine en Haïti

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Publié 09/01/2007 par Ronald Charles

J’hésite à écrire sur ma visite d’une semaine en Haïti. J’ai trouvé un Port-au-Prince meurtri et sale. Les Port-au-Princiens sont à genoux. Je suppose que c’est à peu près le même constat pour le reste du pays. Il n’y a pas eu de Noël cette année en Haïti. Les enfants, des enfants de six ans, parlent de la réalité du kidnapping. Ils ont peur.

Cette petite fille de six ans me demande, perplexe, si l’on kidnappe des enfants au Canada. Les enfants que j’ai vu dans mon voisinage de classe moyenne pauvre n’ont pas de jouets et ils ne chantent pas «Petit Papa Noël».

Quand je joue des airs de Noël pour eux sur ma petite flûte à bec, ils regardent et sourient comme si je leur jouais des chansons qui appartiennent à un autre temps, à un autre monde. J’ai essayé de jouer avec les petits enfants et ils ont aimé. Des fois, j’ai l’impression qu’ils ont tout simplement peur de jouer, de s’extérioriser.

Une de mes petites-nièces de neuf ans ne parle presque pas. Je n’ai pas reconnu cette petite fille que j’ai laissée il y a trois ans de cela. Les enfants ont grandi physiquement mais ils ont raté leur enfance. Ils sont sans jouets, sans rien.

Les adolescents sont déconnectés de leurs parents qui ne les comprennent pas et qui ne prennent pas le temps de leur parler. Certains de ces ados n’ont pas de parents dans le pays et vivent sans aucune aide, sans aucune direction.

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J’ai vécu une semaine dans le black-out, dans la peur et l’angoisse. Presque toute conversation est tournée autour de la situation politico-sociale du pays. Chacun semble avoir une proposition de sortie. Ils parlent beaucoup et fort. La rue est sale, très sale. La vie est difficile et se détériore. C’est le sauve qui peut.

L’après-midi, c’est une marée humaine qui sort de la ville pour regagner des taudis avant la tombée de la nuit. La peur est générale. La rue est remplie de gens qui grouillent et qui essaient de masquer la misère. Ils ont peur mais sont obligés de braver la rue pour essayer de trouver quelque chose à manger.

Ils essayent de survivre en recourant à toutes sortes de moyens: achats et ventes de cartes téléphoniques, services d’appels téléphoniques ambulants, étalages publics, taxis, vols, prostitution, mendicité. Tout pour échapper à cette misère qui tue.

Mais au milieu de cette crasse, il y a un petit groupe qui travaille extrêmement dur et dans des conditions honnêtes pour essayer de vivre et aider. Certains autres vivent dans le luxe au grand mépris des pauvres avec la grande haine de la majorité qui les menacent et les dérange. L’apartheid, la corruption, la gabegie administrative sont autant de maux qui rongent la société haïtienne.

Je laisse Haïti avec un sentiment d’échec: l’échec de ma génération. Je pars, je me sauve pour retrouver ma femme et mes deux garçons dans le froid canadien.

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Ma visite d’une semaine m’a rappelé que je suis un privilégié et qu’avec mes privilèges j’ai des obligations envers les autres qui sont en Haïti et qui végètent.

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