Une réforme du Sénat?

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Publié 10/10/2006 par Gabriel Racle

En 1962, le juriste Russell Hopkins écrivait dans un article du McGill Law Journal: «… le volcan de la  »réforme du Sénat » ne s’est jamais éteint; il a connu une léthargie pendant un certain temps, mais il pourrait refaire éruption». Et il semble bien que l’éruption prévue se produise, avec les récentes propositions du Premier ministre et les réactions qu’elles suscitent.

Dans son discours du 7 septembre devant un comité sénatorial, Stephen Harper déclarait: «Le Sénat se doit de changer. Et nous serons les auteurs de ce changement. Le gouvernement ne veut pas d’autre rapport. Nous voulons de l’action.»

Ce que se propose de faire Stephen Harper comporte deux étapes: «une réforme modeste» pour établir un mandat fixe limité pour les sénateurs, avec une proposition de 8 ans, et par la suite, pour «rendre le Sénat plus efficace et démocratique, le gouvernement présentera, de préférence cet automne, un projet de loi sur les élections sénatoriale».

Ce n’est pas la première fois qu’il est question de réformer le Sénat. Il existe une véritable tradition à ce sujet, qui remonte au moins à 1874, sept ans après l’adoption de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, lorsqu’un député libéral déclare à la Chambre des communes: «.. notre Constitution devrait être modifiée… pour que chaque province ait le pouvoir de choisir ses propres sénateurs».

En 1906, la Chambre des communes discute d’une proposition pour limiter le mandat des sénateurs à la durée de trois législatures. Et en 1909, une proposition visant l’élection des deux tiers des sénateurs et limitant à sept ans leur mandat était rejetée.

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Depuis, on compterait bien une quinzaine de propositions, émanant de divers groupes, portant sur une limitation du mandat des sénateurs, sur leur élection ou même sur l’abolition pure et simple du Sénat.

«Au début des années 80, les propositions en vue de réformer le Sénat ont pris une nouvelle tournure. Peu à peu, on en est venu à adopter pour hypothèse l’équation entre élection et légitimité, d’où la nécessité, pour que le Sénat puisse jouer un rôle majeur et durable dans le processus législatif, qu’il soit comme la Chambre des communes, l’expression d’un choix électoral démocratique», dit Jack Stilborn dans Réforme du Sénat.

«Le Sénat fait partie du Parlement et le Parlement est avant tout un organisme représentatif. C’est pour cette raison […] que nous nous joignons à ceux qui prétendent que le Sénat devrait être un organe élu», déclare en 1985 la Commission Macdonald. «Si nous voulons une institution forte et efficace pour rendre le gouvernement central sensible aux besoins des régions, il faut lui donner la légitimité que lui assure l’élection directe», ajoute en 1992 le Comité Beaudoin-Dobbie.

1992, qui marque les 125 ans d’existence du Canada, marque aussi une autre étape vers la réforme du Sénat. Le gouvernement du Canada en fait figurer la réforme dans ses propositions constitutionnelles, connues comme le projet d’Accord de Charlottetown.

Ce projet proposait aux Canadiens de reconnaître constitutionnellement le Québec comme société distincte, d’accorder aux Autochtones l’autonomie gouvernementale et de réformer le Sénat. Il prévoyait un Sénat de 62 membres, élus par la population ou par les législatures provinciales et territoriales. Mais par un référendum national tenu le 26 octobre 1992, les Canadiens rejetaient cet Accord.

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Pourtant, comme l’exprime un rapport de mai 2001 de la Direction des comités et de la législation privée: «Il ne fait aucun doute que le mouvement de réforme du Sénat s’est accru, non seulement en intensité et en nombre de projets, mais aussi en ce qui concerne l’ampleur de la réforme elle-même. Il s’agit désormais d’un mouvement de fond qui n’exigera rien de moins que la modification de la Loi constitutionnelle de 1867 et de celle de 1982.

Néanmoins, il est fort prévisible que les difficultés éprouvées par les provinces pour arriver à un consensus sur la réforme du Sénat se représenteront à l’avenir, de sorte que la seule réforme possible sera graduelle.»

Une réforme graduelle est sans doute ce qu’a en tête le Premier ministre, conscient des difficultés de la tâche. Pourtant, dans son exposé devant le comité du Sénat, il s’est appuyé sur une citation tirée -d’un livre de Robert Mackay, professeur à l’Université Carleton d’Ottawa, The Unreformed Senate of Canada: «Il est probable qu’aucune autre question d’ordre publique n’a fait autant l’unanimité que celle de la réforme du Sénat.»

Mais ce livre date de 1926 et, malgré cette supposée belle unanimité, rien d’autre ne s’est fait depuis que de limiter à 75 ans le mandat des sénateurs, en 1965. Et les questions qui se posent depuis au moins 132 ans restent pour le moment entières. Alors, qu’en sera-t-il du Sénat à l’avenir?

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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