Une partie peut-elle empêcher une autre d’employer le français?

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Publié 18/01/2011 par Gérard Lévesque

En Ontario, une partie à un arbitrage peut-elle empêcher l’autre partie d’employer le français? Faut-il l’accord des deux parties pour utiliser le français dans une procédure d’arbitrage? Un employeur peut-il empêcher un syndicat d’employer le français? Un syndicat peut-il empêcher un employeur d’utiliser le français? Ces questions sont au cœur d’un différend entre l’Association des infirmières et infirmiers de l’Ontario et la Résidence Saint-Louis. Ce différend a fait l’objet d’une décision arbitrale, le 4 janvier dernier.

L’Association des infirmières et infirmiers de l’Ontario (AIIO) est un syndicat représentant environ 
55 000 infirmières et infirmiers et plus de 12 000 étudiants en nursing qui, en Ontario, œuvrent entre autres au sein des hôpitaux, des établissements de soins de longue durée, du réseau de santé publique et des cliniques de santé.

Désignée en vertu de la Loi sur les services en français, la Résidence Saint-Louis (RSL) est un établissement francophone de soins de longue durée, situé à Orléans, maintenant la partie plus à l’Est de la ville d’Ottawa.

Disposant de 198 lits de soins de longue durée, RSL dispense des soins personnalisés, infirmiers et de soutien et offre un programme de convalescence comptant 12 lits destinés aux personnes qui ont besoin d’un peu plus de temps pour se rétablir à la suite d’une chirurgie ou d’une maladie grave avant de réintégrer leur domicile ou d’entamer un programme de réadaptation physique.

La majeure partie du personnel en place est unilingue francophone. RSL communique en français avec les membres du personnel et offre aux résidents des soins en français.

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Le 15 août 2008, la Commission des relations de travail de l’Ontario confirmait l’AIIO à titre d’agent négociateur des infirmiers et infirmières de la RSL. Peu après, la partie syndicale signifiait à l’employeur un avis d’intention de négocier une première convention collective.

Le 15 janvier 2010, la partie syndicale signifiait un avis d’intention de procéder à l’arbitrage et nommait le para-juriste Joe Herbert à titre d’assesseur syndical.

L’avis d’intention de l’AIIO n’indiquait aucune intention de procéder uniquement en anglais ou de s’opposer à l’utilisation du français par la partie patronale. L’assesseur patronal est le consultant en ressources humaines Ronald LeBlanc.

Le 1er avril 2010, l’assesseur syndical dépose une requête pour la nomination d’un arbitre par le ministère du Travail de l’Ontario. La même journée, le procureur patronal, Me André Champagne, demande au ministère de nommer un arbitre bilingue.

En vertu des pouvoirs conférés par l’article 9.2(1) de la Loi sur l’arbitrage des conflits de travail dans les hôpitaux de l’Ontario, le ministère choisit, parmi sa liste d’arbitres bilingues, Me J.F.W. Weatherill, à titre de président du conseil d’arbitrage.

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Le syndicat veut l’anglais

Le 1er octobre 2010, le syndicat demande au conseil d’arbitrage d’ordonner que la langue des procédures soit l’anglais. En réponse, l’employeur demande que chaque partie puisse utiliser la langue officielle de son choix.

Le 4 janvier 2011, la majorité du conseil d’arbitrage décide que, puisque chaque partie a le droit d’employer la langue officielle de son choix, les deux langues officielles seront utilisées. Dans sa dissidence, l’assesseur syndical y va d’affirmations assez spectaculaires pour nier le droit de procéder en français.

À mon avis, la position de Joe Herbert ne correspond pas à l’énoncé de valeurs de l’AIIO. En consultant la version française du site Internet du syndicat, on peut en effet apprendre que «l’AIIO croit que chaque membre a le droit à l’égalité ainsi qu’à une participation totale à son milieu de travail et au syndicat. L’AIIO reconnaît et valorise la diversité de ses membres.

Elle se consacre d’ailleurs à promouvoir l’équité et la diversité au sein des milieux de travail et du syndicat. Il incombe au syndicat de veiller à ce que la diversité se reflète dans son leadership. La diversité repose sur la prise de conscience des différences qui peuvent influer sur le traitement juste et équitable des personnes. Elle peut englober les différences de sexe, d’âge, de race, d’ethnicité, de langue, de religion et de croyances spirituelles, de culture…»

La majorité des infirmières et infirmiers travaillant à la RSL ont-ils vraiment renoncé à leur droit d’employer le français au cours de la procédure d’arbitrage?

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Ont-ils vraiment demandé à leur syndicat non seulement de procéder uniquement en anglais, mais aussi de s’opposer à l’emploi du français par l’employeur?

Dans le domaine de l’éducation, lorsque les enseignants francophones ont constaté qu’ils n’étaient pas bien servis par leur syndicat, ils ont fondé l’Association des enseignantes et enseignants franco-ontariens (AEFO).

Si les infirmières et infirmiers francophones devaient en arriver à la même constatation, ils devraient créer une association des infirmières et infirmiers francophones de l’Ontario ou une association des infirmières et infirmiers d’expression française de l’Ontario.

Et s’il y a, sur le territoire de la capitale nationale, une telle opposition à l’emploi du français dans les procédures d’arbitrage, qu’en est-il ailleurs en province? La Loi sur les relations de travail et la Loi sur l’arbitrage des conflits de travail dans les hôpitaux ne devraient-elles pas être modifiées dans les meilleurs délais pour y inscrire spécifiquement le droit de procéder dans la langue officielle de son choix devant un conseil d’arbitrage?

Pour plus de renseignements

Demande du 1er octobre 2010 du syndicat:

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http://documentationcapitale.ca/index.cfm?Repertoire_No=-751102913&voir=centre_detail&Id=4446

Réponse du 1er novembre 2010 de l’employeur:

http://documentationcapitale.ca/index.cfm?Repertoire_No=-751102913&voir=centre_detail&Id=4447

Réaction du 1er décembre 2010 du syndicat:

http://documentationcapitale.ca/index.cfm?Repertoire_No=-751102913&voir=centre_detail&Id=4448

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Répresentations supplémentaires du 27 décembre 2010 de l’employeur:

http://documentationcapitale.ca/index.cfm?Repertoire_No=-751102913&voir=centre_detail&Id=4445

Décision arbitrale du 4 janvier 2011:

http://documentationcapitale.ca/index.cfm?Repertoire_No=-751102913&voir=centre_detail&Id=4449

Version française du site de l’Association des infirmières et infirmiers de l’Ontario:

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www.ona.org/francais.html

Auteur

  • Gérard Lévesque

    Avocat et notaire depuis 1988, ex-directeur général de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Souvent impliqué dans des causes portant sur les droits linguistiques. Correspondant de l-express.ca, votre destination pour profiter au maximum de Toronto.

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