Une intelligence artificielle capable d’évaluer le travail de neurochirurgiens

Au moyen de simulations, on a appris à une intelligence artificielle à reconnaître les différents niveaux de compétence de neurochirurgiens. Photo: Université de Sherbrooke
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Publié 10/01/2020 par Isabelle Burgun

Les doigts en or des chirurgiens devront peut-être beaucoup à l’intelligence artificielle (IA), dans un avenir pas si lointain.

L’une des chirurgies les plus complexes, la neurochirurgie, pourrait en effet bénéficier de l’apprentissage profond des machines… du moins, pour le mentorat et l’évaluation des chirurgiens.

L’IA évalue les chirurgiens

Une récente étude québécoise faisait état de résultats prometteurs, selon l’un des auteurs, le médecin résident à l’Université Queens (Ontario) et ancien chercheur de l’Institut neurologique de Montréal (le Neuro), Vincent Bissonnette.

«Nous avons appris à la machine à reconnaître, par des simulations, les différents niveaux de pratique des chirurgiens: ceux qui ont plus ou moins d’expériences.»

Avec la réalité virtuelle, 41 chirurgiens (22 seniors et 19 juniors) de quatre universités canadiennes ont dû démontrer leur capacité à réaliser une hémilaminectomie, une intervention chirurgicale de la colonne vertébrale où l’on retire un morceau d’une vertèbre pour soulager le nerf sciatique.

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«Ce n’est pas une tâche trop difficile pour quelqu’un d’expérience, mais c’est quelque chose qui doit être parfaitement maîtrisé», souligne Vincent Bissonnette.

Experts vs juniors

Les chercheurs enregistraient des données sur les différents gestes — positions, angles et forces — aux 20 millisecondes afin de les soumettre à cinq algorithmes.

Et plus les participants démontraient de la maîtrise, plus la machine apprenait à distinguer ceux qui étaient les experts et ceux qui étaient les juniors.

En s’entraînant ainsi au moyen de la réalité virtuelle, les jeunes chirurgiens risquent donc de voir bientôt leurs compétences être sanctionnées par l’IA.

«L’évaluation réalisée par la machine dépasse l’humain et ses possibles biais subjectifs. Pour l’instant toutefois, l’apport de l’IA resterait limité à l’évaluation de certains apprentissages très spécifiques», rappelle le chercheur.

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L’apprentissage traditionnel a encore des beaux jours devant lui.

Un virage avant-gardiste

L’entrée de l’intelligence artificielle en neurochirurgie s’avère très prometteuse, particulièrement du côté de la formation des jeunes et des futurs chirurgiens, commente le Dr Zhi Wang, chirurgien orthopédiste et spécialiste en chirurgie du rachis au CHUM, qui n’a pas été impliqué dans l’étude de Vincent Bissonnette.

«Pour devenir un bon praticien, il faut répéter beaucoup de gestes très précis et se familiariser avec les instruments. Les simulateurs peuvent aider à acquérir de la pratique et à se sentir plus confortable avec les différentes manipulations.»

Toutefois, pour le Dr Wang, cette étude manque encore de données, car 40 participants, c’est peu. «Il faut aussi la participation de plus de seniors pour affiner les données et également recruter des chirurgiens d’ailleurs au Canada, de différents niveaux d’expertises.»

Erreurs dramatiques

L’implantation de l’intelligence artificielle et de la réalité virtuelle aidera beaucoup les chirurgiens à réussir des opérations délicates où les conséquences d’erreurs restent dramatiques. Toutefois, cela n’écartera pas complètement les risques de complications et les erreurs d’évaluation.

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«Dans la vraie vie, des complications surviennent et si l’on touche la moelle épinière, il peut y avoir des séquelles dramatiques pour le patient. Il faut être doux, rapide et avec des gestes de grande précision», note encore le Dr Whang.

Celui-ci voit le tout comme une avancée intéressante pour améliorer la sécurité et la qualité des soins, mais à considérer avec prudence.

Auteur

  • Isabelle Burgun

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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