«La rue doit s’exprimer, mais ce n’est pas la rue qui gouverne», avait lancé l’ex-Premier ministre français Jean-Pierre Raffarin en 2003, alors que se jouait l’avenir des retraites des actifs de l’Hexagone. Force est de constater que si la formule est légitime, le propos est dépassé. La rue, hier remise à sa place par une énième «raffarinade», est aujourd’hui sans conteste le moteur sous-jacent du pouvoir exécutif français.
Preuve en est avec le CPE, défendu pendant deux mois corps et âme par le gouvernement Villepin, puis finalement abandonné sous la pression des contestations émanantes de la rue.
Ces derniers jours, un nouveau mal est apparu en politique française. Ou plutôt, s’est confirmé. Si la manifestation active de la rue avait prouvé quelques semaines auparavant qu’elle était bien une composante majeure de l’Éxecutif, il était encore prématuré de penser que le phénomène allait s’inscrire dans la durée.
Il semblerait pourtant que le gouvernement, affaibli par la grogne sociale débutée en novembre dernier par les émeutes des banlieues, soit maintenant soumis à une pression latente. Difficile en tout cas d’expliquer autrement le choix de Dominique de Villepin au sujet de l’interdiction de fumer dans les lieux publics. Il y a seulement 10 jours, il était question de légiférer au plus vite sur le sujet, et voilà maintenant que la consultation est reportée. Une décision qui fait suite à l’annonce d’une journée de protestation de la Confédération des débitants de tabac mais de là a y voir un lien direct…
Autre corrélation surprenante, c’est celle du recul quasi-unilatéral sur la loi qui encadrait les organisations de vides-greniers. Une tradition française contre laquelle s’était élevés les brocanteurs professionnels, affirmant que ces revendeurs occasionnels portaient un coup fatal à la bonne tenue de leur activité. Ils avaient obtenu gain de cause en 2005, les «puciers» se voyant contraints de limiter leurs ativités à deux marchés par an. Mais le dossier a récemment ressurgi et, une fois encore, la menace d’une journée d’action a su faire revenir le gouvernement sur sa décision.