Une épopée canadienne: la traite des fourrures

Au Musée canadien des civilisations à Ottawa

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Publié 27/04/2010 par Gabriel Racle

Chaque grand pays possède, dans son passé, des épisodes héroïques, qui ont contribué à façonner son histoire. Certains sont purement légendaires, comme la fondation de Rome par Romulus, d’autres sont un mélange de hauts faits historiques et de légendes et d’autres sont parfaitement historiques et concernent réellement des événements qui ont contribué à la fondation d’un paya.

Le terme épopée en est l’évocation, comme la Chanson des Nibelungen en Allemagne, les Lusiades au Portugal, la Chanson de Roland de Roncevaux en France, les sagas scandinaves, des épopées écrites célèbres, la ruée vers l’Ouest chez nos voisins du Sud et pour le Canada la traite des fourrures.

Ces événements fondateurs, que l’on trouve également à la base des religions, sont structurés selon des schémas identiques: un ou plusieurs héros, des voyages tumultueux semés d’embûches et de difficultés, une conclusion glorieuse, même sous l’apparence d’un échec.

La traite des fourrures

Cet épisode de l’histoire canadienne répond bien au schéma et aux critères de l’épopée. Mais elle n’est pas le fait d’une seule entité, peut-être plus connue, la Compagnie de la Baie d’Hudson (CBO), dont la fondation remonte au 2 mai 1670, alors que le roi Charles II octroie une Charte royale à une entreprise appelée «Gouverneur et Compagnie des Aventuriers d’Angleterre faisant le commerce dans la Baie d’Hudson».

L’histoire est plus complexe qui se déroule vers la fin du XVIIe siècle avec l’exploration de la vallée du Saint-Laurent, des Grands Lacs, du lac Winnipeg et de la vallée du Mississippi, notamment par Cavelier de la Salle qui se lance dans le commerce des fourrures.

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La CBO occupe divers postes de traite situés sur les rives de la baie d’Hudson, qui doit son nom à Henry Hudson, qui y a navigué en 1610. Mais elle est passive, attendant patiemment que les Autochtones se présentent chaque printemps pour y vendre le fruit d’une autre saison de trappe.

Mais la présence de négociants français dans les régions intérieures lui fait se rendre compte, vers 1774, qu’elle doit protéger ses intérêts, car les activités des «revendeurs» réduisent la quantité de fourrures qui arrive à la Baie.

La Compagnie du Nord-Ouest

Car une grande rivale de ce nom est née. À la suite de la prise de Québec par les Britanniques en 1759, bon nombre de négociants français sont repartis, laissant la place à d’autres, des Anglais et surtout des Écossais qui s’établissent à Montréal. En 1779, ils forment un groupe commercial qui prend le nom de Compagnie du Nord-Ouest (CNO), et qui va bientôt devenir un véritable empire du commerce des fourrures.

Ses commerçants et ses agents se rendent jusqu’au Mackenzie et à l’océan Arctique, et jusqu’au Pacifique. Elle contrôle 80 pour 100 de la traite des fourrures dans la moitié septentrionale de l’Amérique du Nord et entre en conflit avec la CBO, qui finit par l’absorber.

Une exposition de grande classe

C’est cette saga de la CNO que relate l’exposition Profit et ambition du Musée canadien des civilisations, consacrée à la traite des fourrures, et qui l’explique.

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De nombreux objets remarquables sont présentés, des articles de commerce – mousquets, outils en métal, bijoux et ornements – des vêtements autochtones et européens, des documents originaux de la CNO, comme des ententes de partenariat, des contrats de voyageurs et des registres, ainsi qu’une première édition extrêmement rare du journal d’Alexander Mackenzie, restauré par le Musée.

Des cartes illustrent aussi l’expansion de la CNO, les trajets des canots. Car, détail intéressant, la CNO qui avait son siège à Montréal, qui était doté d’un port en eau profonde et de liaisons maritimes avec les marchés européens, était très éloignée de sa source de fourrures la plus riche, la forêt boréale occidentale.

La Compagnie utilisait des canots d’écorce et un système de transport en deux étapes. Les articles commerciaux provenant de Montréal arrivaient jusqu’à Fort William (Thunder Bay) et rencontraient d’autres canots transportant des fourrures du Nord-Ouest. On échangeait les canots, et les voyageurs pagayeurs retournaient d’où ils venaient.

On peut voir une collection de canots d’écorce, dont le plus gros objet de l’exposition, un superbe canot de 10 mètres de long, pouvant transporter cinq tonnes.

L’héritage de la CNO

Bien que finalement défaite, la CNO laisse un important héritage au Canada. En 40 ans à peine, elle a amené presque tout le nord-ouest du continent dans l’orbite économique et politique de Montréal et de l’Amérique du Nord britannique.

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Son épopée est bel et bien fondatrice du Canada d’aujourd’hui. «La Compagnie du Nord-Ouest a joué un rôle central dans le développement économique, social et politique du pays. Cette exposition explique magnifiquement comment elle a contribué à la naissance du Canada», de dire Victor Rabinovitch, président de la Société du Musée canadien des civilisations.

L’exposition se termine le 12 septembre 2010.

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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