Une épée de Damoclès au-dessus des baleines

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Publié 18/05/2010 par Pascal Lapointe (Agence Science-Presse)

En 1986, la planète votait pour une interdiction de la chasse à la baleine. Cette année, cette interdiction pourrait bien être levée, grâce au long travail de lobbying d’une poignée de pays qui sont toujours restés pro-chasse.

Lorsqu’ils se réuniront en juin, les 88 pays membres de la Commission baleinière internationale (CBI) devront trancher.

Il y a toujours eu trois chefs de file d’un retour de la chasse à la baleine: la Norvège, le Japon et l’Islande. Tous trois chassent, et n’en sont pas moins membres de la CBI, parce qu’ils profitent des trous dans le moratoire de 1986.

Chasse scientifique?

Celui-ci permet à ses membres de s’opposer unilatéralement à ses décisions (ce que font la Norvège, qui chasse la baleine de Minke ou petit rorqual, et l’Islande) ou de chasser à des fins scientifiques (ce que prétend faire le Japon).

Le droit de chasser à des fins scientifiques s’applique à un «certain nombre», mais ce nombre n’a jamais été défini. Enfin, quelques groupes autochtones profitent également d’un droit d’exception.

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Pour ces trois pays, les estimations varient entre 2000 et 3000 baleines tuées chaque année. En 1990, on était plus près de 300. Mais comme les estimations varient également quant à la taille des populations de baleines — et à leur regain, ou non, depuis le moratoire de 1986 — il est impossible d’évaluer la situation objectivement et les dommages que cela cause sur ces populations.

La Commission baleinière

Et au cœur de ce conflit, c’est la Commission elle-même, dénoncent les écologistes depuis des années.

«La remarquable expansion de la CBI, de 41 membres en 1986 à 88 aujourd’hui», écrit Mark Simmonds, de la Société pour la conservation des baleines et dauphins. «Les nations pro-chasse recrutent des alliés à leur cause et les anti-chasse suivent, afin de maintenir la parité.»

En vertu des statuts de la CBI, il faut un vote à la majorité des trois quarts pour renverser le moratoire, mais les partisans d’une reprise de la chasse visent plutôt une suspension de 10 ans du moratoire. Et en attendant de l’obtenir, ils bloquent toute tentative d’établir des quotas pour les différentes espèces.

D’où la quête d’une solution mitoyenne, qui dure depuis des années, mais semble plus près que jamais d’aboutir, cette fois. Et de là l’inquiétude des écologistes: «Nous croyons que l’entente récompenserait avantageusement les nations qui chassent d’avoir été si intransigeantes pendant plusieurs années, et qu’elle serait trop risquée. Sans exception, les organismes de conservation s’opposent au compromis, et l’appellent un plan pour “sauver les baleiniers, pas les baleines”».

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Restaurants fautifs

Mais en attendant, le problème ne se limite pas aux trois pays fautifs. En mars, les autorités américaines ont fait fermer un restaurant de Santa Monica, en Californie, accusé d’avoir illégalement servi de la baleine dans ses sushis, après que des analyses d’ADN furent menées sur la viande en question.

Un restaurant de Corée du Sud a lui aussi été ciblé, dans le cadre de la même initiative, menée par des chercheurs de l’Université d’État de l’Oregon et le producteur d’un documentaire-télé.

Cette collaboration inhabituelle s’est achevée récemment par une publication dans la revue Biology Letters cosignée par le producteur en question.

Un Registre de l’ADN

Parmi les compromis qui seront donc vraisemblablement proposés lors de la réunion de juin figure justement la création d’un Registre international de l’ADN de viande de baleine, qui permettrait d’identifier les nations fautives, car on n’autoriserait la chasse que pour les nations qui la pratiquent déjà.

Et des quotas inférieurs au nombre de baleines tuées l’an dernier (par exemple, un maximum de 4000 petits rorquals dans le Pacifique Sud, alors que le Japon en a attrapé 900 l’an dernier). Des chiffres qui seraient tout de même très supérieurs à ceux de 1990. Cette région du Sud avait d’ailleurs été décrétée Sanctuaire des baleines par la CBI. Le statut n’aura pas tenu le coup longtemps.

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www.sciencepresse.qc.ca

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