Une écriture à coups de varlope et de volupté

Michèle Vinet, Le malaimant, roman, Ottawa, Éditions L’Interligne, collection Vertiges, 2021, 144 pages, 21,95 $.
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Publié 21/03/2021 par Paul-François Sylvestre

Après deux romans, un récit et un recueil de poésie en une dizaine d’années, on peut douter que Michèle Vinet connaisse l’angoisse de la page blanche. Mais force est de se demander si elle n’est pas passée par là pour avoir pu concocter Le malaimant, son tout dernier roman…

La page blanche

Le protagoniste est Aurel Alphonse Toussaint, un homme tourmenté par le passé, l’amour et la page blanche. Il s’est acheté un cahier, mais sa main n’arrive pas à écrire un seul traître mot. Il se demande quoi faire pour «que la page jacasse, babille, cause, devise, bavarde, discute, se divulgue ultimo».

En moins de 150 pages, Michèle Vinet brode une intrigue semée d’embûches, de dangers et de cérémonies infernales, peuplée d’une harpie, d’un médecin et d’un shaman.

Au-delà des rebondissements inattendus, l’important demeure le moment présent, «la griffe, les mots inventés, exagérés, le franc-jeu de débiter ce qui lui passait par la tête, par le cœur, par la main».

Les paroles s’envolent…

Aurel se penche sur son inquiétant cahier, il y repose la main et même le front, «pour y demeurer, léthargique, des heures durant». Il veut à tout prix noircir du papier, pondre un texte, pisser une copie, car, comme on le sait, verba volant, scripta manent (les paroles s’envolent, les écrits restent).

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C’est à travers des sentiers accidentés et les eaux tumultueuses de l’amour que ce personnage énigmatique découvrira comment écrire consiste à aller au bout d’un face-à-face avec soi-même.

Si le style de Vinet déroute parfois, je dois admettre qu’elle excelle dans l’art de ciseler finement une phrase. En voici un bel exemple: «il était plus fragile qu’une porcelaine risquant de se fracasser sur le carrelage du quotidien».

Jeux de mots

J’ai bien aimé aussi les jeux de mots qui parsèment le récit parfaitement saccadé: «à grands coups de varlope et de volupté», «une folie-fiole», «le temps se faisait frisquet-flanelle».

Parlant de jeux de mots, la page n’est pas la seule à être blanche, l’amoureuse d’Aurel se prénomme Blanche. Le cahier blanc a-t-il le pouvoir d’enlever l’être cher…?

Chose certaine, Aurel doit affronter seul ce maudit cahier, à l’exclusion de tous les autres Aurel qui somnolent en lui. C’est lui-même qui doit être à la fois esclave et maître de ses pages.

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Plusieurs prix littéraires

Avant de devenir autrice, Michèle Vinet a œuvré dans les domaines de l’éducation, du théâtre et du cinéma.

Son récit L’enfant-feu (2016) a remporté le Prix littéraire Le Droit; son roman Jeudi novembre (2012) a été couronné par le Prix Trillium et le prix Émile-Ollivier; son roman Parce que chanter c’est trop dur (2007) a aussi remporté le Prix littéraire Le Droit.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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