Une commission des valeurs mobilières unique est inconstitutionnelle

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 22/12/2011 par Stéphanie Marin (La Presse Canadienne)

à 13h25 HNE, le 22 décembre 2011.

OTTAWA – Le plan du gouvernement fédéral de créer une commission pancanadienne des valeurs mobilières est inconstitutionnel selon la Cour Suprême du Canada. Ottawa a ainsi perdu son bras de fer avec les provinces et reçoit en même temps une petite leçon de fédéralisme de la Cour.

Le plus haut tribunal du pays a rendu son opinion unanime (9-0) jeudi matin dans ce dossier hautement politique.

Même s’il s’agit d’une opinion de la Cour et non pas d’un jugement formel, cet avis allait vraisemblablement mettre des bâtons dans les roues du projet d’Ottawa.

D’ailleurs, le gouvernement a immédiatement déclaré qu’il allait respecter l’opinion de la Cour. Dans un communiqué, le ministre des Finances, Jim Flaherty, a indiqué qu’il est clair qu’Ottawa ne peut aller de l’avant avec son plan, tel que formulé.

Publicité

La Cour a qualifié la tentative d’Ottawa «d’intrusion massive» par le Parlement dans le domaine de la réglementation des valeurs mobilières, jusque-là régi par les provinces.

«La préservation des marchés des capitaux et le maintien de la stabilité financière du Canada ne justifient pas la supplantation intégrale de la réglementation du secteur des valeurs mobilières, résultat auquel mènerait, en définitive, la loi fédérale proposée», écrit la Cour.

Car le gouvernement fédéral voulait mettre fin au système actuel selon lequel chaque province a ses propres lois et règlements et son propre organisme régulateur. Au Québec, il s’agit de l’Autorité des marchés financiers.

Ottawa soutient qu’un organisme unique pour le pays serait plus efficace et assurerait la stabilité des marchés. Le système serait aussi plus attrayant pour les investisseurs qui n’auraient pas à affronter la paperasse dans toutes les provinces, ni à payer des frais multiples, faisait valoir le fédéral.

Six provinces sur 10 étaient contre le projet d’Ottawa, le Québec et l’Alberta menant de front le mouvement d’opposition. Seule l’Ontario avait manifesté son appui à Ottawa, qui soutenait qu’il n’imposait pas son système unique aux provinces, puisqu’elles seraient libres d’y adhérer ou non.

Publicité

Devant cette contestation, le gouvernement fédéral avait soumis son plan au préalable — et sa loi sur les valeurs mobilières qui devait créer la commission et régir le marché — à la Cour suprême pour obtenir son avis sur la légalité de son projet.

Les provinces rechignaient à abandonner à Ottawa leur pouvoir de régir les valeurs mobilières. Elles faisaient valoir que le système actuel fonctionne bien, et que la Constitution canadienne leur reconnaît depuis toujours juridiction dans ce domaine, puisqu’il s’agit de légiférer sur des matières locales et privées, soit les contrats et la réglementation des professions. La jurisprudence leur donnait aussi raison.

Mais même si le gouvernement concédait que les provinces ont juridiction sur les valeurs mobilières, il soutenait avoir aussi compétence en vertu de son pouvoir général de régir les échanges et le commerce.

Dans son opinion rendue jeudi, la Cour suprême a indiqué que la loi proposée ne relève pas du pouvoir général du fédéral de réglementer le commerce.

La Cour est d’avis qu’Ottawa n’a pas démontré que le marché des valeurs mobilières a évolué au point où la réglementation de tous ses aspects relève désormais du fédéral.

Publicité

«Le Canada a démontré que certains aspects du marché des valeurs mobilières ont une portée nationale et touchent l’ensemble du pays. Toutefois, considérée dans son ensemble, la loi proposée vise principalement à protéger les investisseurs et à assurer l’équité des marchés des capitaux en réglementant la conduite au quotidien des émetteurs et des autres participants au marché des valeurs mobilières», écrit la Cour.

Les juges estiment que cela reviendrait à enlever complètement aux provinces leurs pouvoirs dans ce domaine. L’équilibre serait ainsi rompu, croit la Cour suprême.

«Le fédéralisme exige plutôt d’établir un équilibre qui permet tant au Parlement qu’aux législatures d’agir efficacement dans leurs sphères de compétence respectives. Le Parlement ne peut pas réglementer l’ensemble du système des valeurs mobilières du seul fait que certains aspects de ce domaine ont une dimension nationale».

Mais la décision du plus haut tribunal canadien n’est pas une fin de non-recevoir à toute forme d’organisme national sur les valeurs mobilières:

«La loi proposée excède le pouvoir général du Parlement en matière de trafic et de commerce et doit donc être jugée inconstitutionnelle. Cela étant dit, rien n’interdit la démarche coopérative qui, tout en reconnaissant la nature essentiellement provinciale de la réglementation des valeurs mobilières, habiliterait le Parlement à traiter des enjeux véritablement nationaux», soulignent les neuf juges.

Publicité

Le Québec et l’Alberta avaient aussi soumis le plan fédéral à leur Cour d’appel respective. Elles avaient toutes deux donné raison aux provinces, malgré une dissidence à la Cour d’appel québécoise. Avec cette décision de la Cour suprême, 18 juges sur les 19 qui se sont penchés sur la question ont jugé la loi fédérale proposée inconstitutionnelle.

Auteur

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur