Un roman tsi et pitsiartok

Gilles Dubois, Tiriganiak, docteure au Nunavut, roman, Ottawa, Éditions L’Interligne, collection Vertiges, 2020, 288 pages, 28,95 $.
Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 14/03/2021 par Paul-François Sylvestre

Gilles Dubois a publié une douzaine de romans, mais j’ai eu tort à mettre autant de temps à le découvrir. Mon initiation s’est faite avec son tout dernier titre, Tiriganiak, docteure au Nunavut. L’ouvrage jette un regard neuf sur les difficultés qu’éprouvent les communautés du Grand Nord canadien.

Sur l’île de Baffin

L’intrigue de ce récit mouvementé empreint de tendresse et de violence se déroule à Guviai Jaujuq, sur l’île de Baffin, entre 1995 et 2019. Tiriganiak est une chirurgienne métisse pilotant son propre avion, qui s’établit au Nunavut pour y ouvrir une clinique médicale.

Séparé des Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut est devenu autonome le 1er avril 1999. Il y a quatre langues officielles: l’inuktitut, l’inuinnaqtun, l’anglais et le français. On parle quelque 28 dialectes.

Truffé de mots en inuktitut

Le roman est truffé de mots en inuktitut. Docteure se traduit, entre autres, par mikigap. Avion se dit tininngajuq et pilote, qangatasuqti. Un dialogue entre père et fille peut parfois ressembler à ceci:

«– Piulaangujuq, piugijara, prononça doucement la jeune fille. Tu es le meilleur de tous. Quel combattant tu fais!
– Et toi, petite beauté, tu mérites d’être appelée Nangiqtuq, “celle qui se tient debout”, la fille sans peur.»

Publicité
Gilles Dubois
Gilles Dubois

Le personnage principal est une métisse dans la jeune trentaine, nommée Gaïa Beaubien. Elle tient à s’intégrer pleinement, y compris à changer son nom.

Comme elle aime le renard blanc arctique (tiriganiak), elle en fait son prénom. Et comme Beaubien se traduit par tsi (beau) et pitsiartok (bien), son nom de famille devient Tsi-Pitsiartok.

La vie nordique

La réalité d’une nouvelle vie recommande souvent de se plier aux exigences d’une autre culture. C’est ce qui arrive ici, bien entendu. La vie nordique impose «une victoire sur l’intolérance et les préjugés ridicules que traînent parfois les immigrants dans leur sillage».

 

Avant d’arriver au Nunavut, Gaïa avait minutieusement planifié ses occupations de célibataire jusqu’au moindre détail.

Publicité

Et voilà qu’elle sent un coup de foudre dès le premier jour. «Elle riait et elle pleurait. Elle ressentait cruellement l’ambiguïté de ses sentiments, de ses émotions.» Il faut dire que son cœur penche vers un natif de la région, un homme intelligent, généreux, beau et athlétique.

Vengeance familiale

Le rôle dynamique de docteure ou doctoresse Tiriganiak – l’auteur emploie les deux termes – a un impact médico-socio-économique extraordinaire sur Guviai Jaujuq.

Sa présence demeure aussi la cause de beaucoup de tourments pour les malheureux habitants du village. Cela est relié à une seconde histoire de vengeance familiale qui entrecroise l’intrigue principale.

Des forces un peu magiques

Dubois illustre bien que ce n’est pas dans les livres savants qu’on peut ressentir le contexte social effrayant qui régit les communautés nordiques.

Tiriganiak et sa fille possèdent ce que les facultés de médecine des Blancs n’enseignent pas, à savoir: «l’instinct de survie, la foi en ces forces un peu magiques qui se dissimulent sous chaque plaque de mousse».

Publicité

Sans dévoiler les tenants et aboutissants de l’intrigue menée avec brio, je me permets de signaler que Tiriganiak va se sentir comme une enfant devenue la plus riche au monde «au pied de l’arc-en-ciel recherché depuis toujours»…

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur