Je lis plus de soixante romans par année. Certains sont des polars ou des thrillers, d’autres sont des récits historiques ou psychologiques et il y a les romans d’amour ou d’aventure. Récemment j’ai lu un roman qui réunit presque tous ces attributs. Il s’agit de L’homme qui n’avait pas de table, ouvrage que Pierre Fortin a publié aux Éditions Québec Amérique. Je me suis régalé à 98%.
Le roman nous présente Julie Landry, une jeune photographe créatrice et taciturne «qui se lançait dans tout ce qu’elle entreprenait avec la rage du désespoir». Son ami de cœur, François Montpetit, cherche à la comprendre ou, à défaut d’y arriver, à partager ses passions. De prime abord, Julie apparaît comme la protagoniste du roman, mais l’histoire prend un virage lorsque la jeune femme se met à photographier un itinérant. C’est lui qui devient le centre d’attraction.
Nous sommes en présence d’un sans-abri qui n’a pas une apparence négligée. Sa tête n’est pas celle d’une revue de mode, mais elle n’est pas non plus celle d’un être dépourvu d’amour-propre. Julie trouve que cet homme dégage un air familier. Il lui rappelle son père. Elle le suit, le photographie et découvre qu’il fréquente la Maison de la Rue où il occupe une cellule monastique. On le surnomme Le Cook car ses connaissances en art culinaire sont remarquables. Hypnotisée par ce personnage, Julie commence à mener une enquête qui s’intensifie rapidement puisque Le Cook trouve soudainement la mort. Le roman est-il devenu un polar?
François, le partenaire de Julie, n’est pas sans remarquer que son amie n’écrit plus et ne prend plus de photos. Elle consacre tout son temps «à mettre au jour la vie d’un inconnu. (…) Le sort du Cook, un homme qu’elle ne connaissait pas, à qui elle n’avait jamais parlé et dont elle n’avait aucune raison de se préoccuper, la bouleversait plus qu’il ne l’aurait dû.» François est persuadé que Julie compense, qu’elle veut se reprendre pour avoir négligé son propre père. Il lui lance: «Mets les choses en perspective. Tu es de plus en plus obsédé par tout ça.» Le roman prend-il une tournure psychologique?
Julie n’a pas de mal à entraîner François et une amie dans son enquête ou sa quête. Le trio finit par rencontrer une brochette de gens qui ont connu Le Cook. Il découvre l’étrange passé de cet homme qui collectionnait des livres, des articles, des recettes, des ustensiles, des casseroles et des antiquités culinaires. «Le Cook était obsédé par la nourriture et la cuisine, mais il n’avait pas de table où manger…»
Le trio découvre aussi que le soi-disant itinérant passait beaucoup de temps dans des usines désaffectées, allant rarement à sa chambre, tant celle dans la Maison de la Rue que celle dans un vieil édifice du centre-ville. Découvrent peu de chose dans ces deux pièces, le trio se rend dans les usines, hanté par «des idées de trésors cachés et de pirates urbains». S’agit-il maintenant d’un roman d’aventure?