Un peu de théâtre!

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 19/02/2008 par Pierre Léon

Une jeune comédienne disait ingénument à la grande actrice Sarah Bernhardt: «Moi, je n’ai jamais le trac sur scène». À quoi Sarah répondit: «Ne vous inquiétez pas, ma petite, ça vous viendra avec le talent».

Aujourd’hui, les acteurs n’ont jamais le trac, souvent parce qu’ils n’ont pas de talent mais surtout pas de métier. Autrefois, on passait par une école d’art dramatique, au Québec comme en France, et les meilleurs obligatoirement par le Conservatoire. On y apprenait à jouer classique et surtout à bien articuler. Une articulation claire était signe du respect du spectateur. Dès l’école primaire, on devait apprendre par cœur des textes qu’il fallait réciter avec une bonne diction.

Des générations de grands acteurs, tels Charles Dullin, Pierre Fresnay, Jean-Louis Barrault, Madeleine Renault, Sacha Guitry, Pierre et Claude Brasseur, Jean Gillibert et tant d’autres nous ont régalés de leur diction intelligente et belle. Louis Jouvet, qui bégayait, avait réussi à faire de son infirmité un style.

Tout cela est fini. Le cinéma vérité des Italiens de l’après-guerre a bouleversé le jeu des acteurs, devenu plus naturel. Il a été suivi par le théâtre. N’importe qui est recruté pour sa tête de malfrat ou son sexe appeal, sans avoir besoin de métier. On dirait que plus son articulation sera mauvaise, plus ça plaira!

Je sais bien que je suis un tantinet «malentendant», mais je comprends de moins en moins les films modernes, alors que les présentateurs de télévision ne me posent aucun problème. Il y a quelques jours, on passait le film L’Africain, avec Philippe Noiret qui a une bonne diction mais parlait à toute vitesse. Il avait pour partenaire Catherine Deneuve qui, pour faire jeune et moderne, j’imagine, massacrait articulatoirement son texte. La moitié du temps il devenait incompréhensible.

Publicité

Le plus grave me paraît que les mauvaises habitudes articulatoires se répandent dans le public. Ça fait chic et jeune. De plus, si c’est un peu nasalisé, ça fait supérieur! Les psychanalystes vous le diront et ajouteront que la bouillie articulatoire est une forme de retrait, d’ignorance de l’autre.

Parfois, on entend aussi un souffle sur tout le discours. Là, c’est l’indice de la voix de charme amoureux, comme celle des annonces d’aéroport. «Les voyageurs pour Tahiti, embarquement immédiat, Porte Treize» ça vous a une autre gueule dit avec du souffle et une intonation descendante (Voix de la caresse)!

Le public du théâtre français a longtemps été intolérant pour les accents provinciaux ou étrangers, sauf pour faire rire. Seul l’accent méridional était accepté et on l’attendait avec délices dans les films ou les pièces de théâtre de Pagnol. Par contre, on a mis des sous-titres au film québécois Le déclin de l’Empire américain, qui ne méritait certainement pas cette injure. Ce sont bel et bien les films français modernes qui auraient besoin d’être sous-titrés!

Pour finir, une note d‘humour noir. Sarah Bernhardt vieillissante avait été amputée d’une jambe gangréneuse. On lui avait mis, selon les moyens de l’époque, une jambe de bois. Elle avait courageusement décidé de remonter sur scène. Le tout Paris attendait son apparition, dans un silence recueilli. Et l’on entend soudain les trois coups habituels qui annoncent le début de toute pièce de théâtre. «La voilà!» dit l’incorrigible Sacha Guitry.

Auteur

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur