«Le Canada vit dans cette situation absurde où, pays officiellement bilingue, il est régi par une Constitution qui n’est écrite qu’en anglais et où, pays prétendument indépendant, il est régi par une Constitution écrite en Grande-Bretagne.»
C’est ce qu’écrit Maître Robert Décary dans un récit de souvenirs qu’il vient de publier sous le titre Confidences d’un conseiller de la Reine.
La Constitution qui a été rapatriée en 1982 vise tous les Canadiens et s’applique partout au pays. Cependant, malgré les travaux du Comité de rédaction constitutionnelle française dont a fait partie Me Décary, la Loi constitutionnelle de 1867 et les autres parties de la Constitution qui figurent à l’annexe de la Loi constitutionnelle de 1982 ne sont édictées que dans une seule version officielle, en langue anglaise.
La version française proposée par le Comité n’aura force de loi et statut d’égalité avec la version anglaise que lorsqu’elle aura été approuvée par le Parlement du Canada et les assemblées législatives des provinces. Selon Décary, ce consentement unanime ne pourra pas être obtenu avant que le Québec se rallie à la Loi constitutionnelle de 1982.
Dans le langage envoûtant qu’on lui connaît, Décary raconte de nombreux événements qui ont marqué les soixante dernières années de notre histoire. Fort intéressé par les dossiers de droits linguistiques, il nous rappelle de savoureuses anecdotes comme la cause entendue en 1984 par la Cour d’appel de l’Ontario sur la gestion scolaire francophone et où Me Pierre Genest a eu recours à l’expression «la plume de ma tante» pour illustrer le fait que la version française de l’article 23 de la Charte introduisait une notion d’appartenance.
La préposition «de» confirmait ainsi que les établissements d’enseignement sont ceux de la minorité linguistique.
Constatant que, dans plusieurs provinces, la reconnaissance de certains droits linguistiques découlait de causes liées à des infractions à un code de la route, Décary s’interroge: «Faut-il en déduire que les Francophones hors Québec sont des amateurs de vitesse, comme leurs cousins de la belle Province? Ou qu’il leur fallait faire vite pour que leurs droits cessent d’avancer à pas de tortue?»