Un monde à découvrir

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Publié 20/05/2008 par Gabriel Racle

Alors que la NASA vient de nous révéler de spectaculaires images du pôle sud de la Lune prise au moyen du puissant radar de Goldstone (Californie), qui révèlent un paysage bien plus accidenté qu’on ne l’imaginait, avec des sommets culminant à plus de 6 000  mètres et des cratères pouvant atteindre une profondeur de 4 000  mètres, on se prend à rêver. Ne s’agirait il pas d’aller sur la Lune, dont le pôle sud pourrai receler de grandes quantités de glace, en vue d’aller sur Mars?

Les mondes extraterrestres attirent. N’y aurait-il pas quelque part dans notre galaxie ou dans une autre, une exoplanète habitée par des êtres plus ou moins semblables à nous? Mais il n’est pas nécessaire d’aller aussi loin et de se projeter dans l’espace pour faire des découvertes inattendues et remarquables. Notre bonne vieille planète Terre conte un univers que nous connaissons à peine, celui des océans et de leurs profondeurs abyssales.

Pour combler en partie ce manque de connaissances du grand public, le Muséum national d’Histoire naturelle de Paris a organisé une exposition temporaire (elle se termine le 8 mai) dénommée Abysses, et consacrée à la découverte du monde inconnu des grandes profondeurs. Que celles et ceux qui souhaitent explorer un monde inconnu et ne peuvent aller à Paris se rassurent. L’inspiratrice de cette exposition est l’auteure d’un livre extraordinaire, qui compte 200 photos en couleur et en pleine page ou en page double: Abysses de Claire Nouvian, Éditions Fayard, 260 pages, grand format (26 cm x 31 cm).

Dans l’avant-propos, l’auteure explique que «grâce à un film d’une beauté époustouflante projeté à l’aquarium de Monterey, en Californie, [elle] a plongé dans les abysses… Dans l’avion qui me ramenait à Paris, toute mon énergie était canalisée par une pensée unique, les abysses».

Étonnée par l’absence presque totale de publication sur le sujet, pendant trois ans, elle entreprend un travail minutieux de collecte des photos provenant du monde entier, en collaboration avec des scientifiques ayant travaillé jusqu’à 6 000 mètres dans les océans. Il en résulte ce livre unique au monde, qui ouvre des horizons sur un univers insoupçonné. Il faut se rappeler que les océans, d’une profondeur moyenne de 3 800 m, «occupent 99 % de l’espace où la vie peut se développer» sur notre planète et les abysses occupent 85 % du volume océanique «et forment ainsi le plus grand habitat de la planète».

Différents sujets sont abordés par des scientifiques, qui permettent de se faire une idée de ce monde étrange. Il ne s’agit pas de textes illustrés par des photos, comme dans bien des livres, mais de photos accompagnés de textes explicatifs prodigieusement intéressants. Ainsi est abordée la vie entre deux eaux et au fond des océans. Par exemple, jusqu’à 150 m de profondeur, la lumière pénètre et pour échapper aux prédateurs, la plupart des animaux sont transparents. On décrit souvent les abysses comme un monde de «ténèbres éternelles…»

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C’est faux, explique Edith Widder. Ils brillent de mille feux… des milliards de lumière émises par les animaux», la bioluminescence qui leur permet de chasser, de se reconnaître, de communiquer, de s’identifier, de se défendre ou de se réunir, avec des astuces surprenantes.

Le texte consacré à «La quête du calamar géant», cet animal quasi mythique consacré par Jules Verne, permet de comprendre pourquoi on a retrouvé des débris de cet animal, qui existe réellement mais est inoffensif, à Logy Bay, sur la côte est de Terre-Neuve en 1873. C’est le plus grand invertébré du monde, qui peut atteindre 18 m et peser de 500 à 1 000 kg. Il vit entre 500 et 1 000 m de profondeur et c’est la proie favorite des cachalots. Il ne faut pas le confondre avec le calamar colossal, une autre espèce, plus petite de l’Antarctique.

Et précisément les pages consacrées aux «Profondeurs polaires» sont tout aussi intéressantes, puisqu’elles permettent d’entrevoir la vie qui existe dans l’océan Arctique qui, «de tous les océans du monde, est le moins bien connu». Et curieusement, malgré sa moindre profondeur, on y trouve des animaux des plaines abyssales, sans doute à cause du froid et de la moindre luminosité sous la glace. Qu’adviendra-t-il de ces espèces avec la fonte de la banquise polaire?

Car c’est un autre aspect essentiel du livre. Il nous présente des images spectaculaires, en soulignant la fragilité de ce monde que rien ne protège et des menaces qui pèsent sur ces espèces.

«Les poissons des grands fonds sont en train de disparaître, dit Claire Nouvian. On sait que 90 % des espèces prédatrices des océans ont déjà disparu. Dans les grands fonds, la pêche au chalut est en train de détruire les milieux coralliens les uns après les autres per… Ces filets, de plus, sont très destructeurs. Un chalut agit comme un bulldozer qui détruit tout ce qui se trouve sur son chemin, éponges, échinodermes, coraux… » La surpêche a mis au bord de l’extinction le poisson empereur, qui se regroupe au sommet de monts sous-marins, une fois ces rassemblements découverts.

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Claire Nouvian espère que son livre saura «créer une émotion assez forte pour nous saisir et nous interpeller dans ce qu’il y a de plus profond, de plus intime en nous: notre appartenance à une vaste chaîne vivante incroyablement belle, terriblement fragile, et, jusqu’à preuve du contraire, miraculeusement unique dans l’univers». Et il est vrai que, lorsque l’on a ouvert son livre, on ne peut plus s’en arracher, tant il nous fait découvrir, par ses merveilleuses illustrations, un monde étrange et fascinant, qu’il faudrait à tout prix préserver.

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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