Un jour…

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Publié 15/08/2006 par Carl Arkantz

Une célèbre chanson québécoise de Raymond Lévesque commence par ces mots:

Quand les hommes vivront d’amour
Ce sera la paix sur la terre
Les soldats seront troubadours
Et nous, nous serons morts, mon frère.

Nous sommes, en tant qu’êtres humains, à la fois uniques et égaux. Il n’y a pas une vie qui ne vaille plus ou moins qu’une autre. Et nul ambassadeur, nul politicien, nul leader religieux ne peut prétendre le contraire.

Quand on exprime sa solidarité envers les peuples que des politiciens avides poussent les uns contre les autres, prend-on pour autant parti pour l’un ou pour l’autre? Le seul parti que l’on défend est celui de ceux qui souffrent quels qu’ils soient, ceux qu’on appelle indistinctement des victimes. Maintenant, chacun réagit à l’actualité selon ce qu’il perçoit ou selon ce qu’il vit quotidiennement. Même si l’on condamne la politique d’Israël, doit-on se réjouir de la mort de civils israéliens? Et, à l’inverse, si l’on ne soutient pas l’action du Hezbollah, peut-on se féliciter de la mort de civils libanais? La réponse est non! Pourtant, que ce soit dans la presse arabe ou israélienne, les courants les plus extrêmes canalisent les tensions qu’exacerbe cette guerre meurtrière dont on oublierait même la cause.

Cela me rappelle un conte arménien de Toumanian: «La goutte de miel». Un berger achète du miel chez un épicier. Celui-ci fait tomber une goutte de miel. Une mouche se précipite dessus. Le chat de l’épicier bondit sur la mouche et la tue. Le chien du berger saute sur le chat. Le conflit s’étend ensuite aux hommes, puis à leurs villages et au royaume, entraînant mort, famine et misère. Une évocation bien réelle, hélas, de l’escalade de la violence.

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C’est à cette même violence qu’on assiste depuis un mois. C’est face à cette même violence que chacun d’entre nous réagit avec ses mots, avec ses cris, avec ses larmes. Quand, dans son article «Au nom d’Allah» (Haaretz), Riad Ali, donne son sentiment sur cette guerre, il évoque sa rencontre avec un enfant palestinien de dix ans. Lorsqu’il demande à l’enfant ce qu’il aspire à devenir plus tard, celui-ci répond: enseignant. Puis, il ajoute: «shahid». Certains comprendront martyr, d’autres témoin. Mais, dans l’esprit de cet enfant de dix ans, quelle est sa perspective? Mourir en martyr?

On peut disserter des heures à ce propos. On peut trouver toutes les raisons pour justifier ce choix. L’absence d’avenir, la crise économique, l’enfermement des Palestiniens sur leurs terres, la misère, le chômage et la répression permanente de l’État israélien, lorsque ce ne sont pas les luttes intestines qui ensanglantent les factions palestiniennes. Est-ce alors si choquant d’entendre un garçon de dix ans parler si ouvertement de mourir?

Il est tout aussi choquant de voir des fillettes israéliennes de Kiryat Shmona écrire des messages sur des obus que leur armée va tirer sur la position du Hezbollah qui les pilonne. Croient-elles que ces obus les protégeront? Imaginent-elles que ces obus n’atteindront peut-être pas la cible voulue, mais tueront d’autres enfants qui leur ressemblent de l’autre côté de la frontière? Doivent-elles grandir avec ce sentiment erroné que seule la guerre est la solution légitime à leur existence?

Comme il est choquant de voir défiler en armes des unités d’enfants du Hezbollah prêts à donner leur vie alors qu’ils ne l’ont même pas vécue. Parce que comme tous les enfants du monde, ils ont le droit de grandir dans la paix et la sécurité. Parce que tous les enfants du monde devraient ignorer ce que sont la guerre, la misère et la mort. Parce qu’en dehors du Proche-Orient, il y a d’autres enfants qui souffrent de la faim, de la misère et des guerres. Parce que des hommes ont décidé au nom de Dieu, au nom de l’argent, au nom du pouvoir, au nom de la haine, de laisser mourir d’autres hommes, de mener des guerres de conquête, de détruire des villes ou des villages.

Et, quand après le refus légitime du plan de cessez-le-feu franco-américain par le Premier ministre libanais, Fouad Siniora, on entend un ministre syrien justifier ce refus en arguant que le Liban ne peut accepter un tel plan parce qu’il aurait gagné la guerre, on reste perplexe.

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S’il est un pays qui a tout perdu dans cette guerre, c’est bien le Liban, patiemment reconstruit pendant dix ans et qui retourne des années en arrière. Ce que le Liban aura gagné c’est cette solidarité retrouvée entre ses différentes communautés.

On peut être choqué comme Fatima Alaoui dans Chronique de guerre d’une écologiste (Fatima Alaoui est secrétaire général du Parti des Verts pour le Maroc) du «je m’en foutisme» des riches Libanais passant leurs vacances dans le Golfe d’Aqaba, bien loin des préoccupations du peuple libanais bombardé sans relâche. Mais, peut-être, croient-ils que cette guerre ne les concerne pas, mais n’implique qu’un Hezbollah, qu’ils seraient heureux de voir disparaître, et Israël. Oublient-ils que c’est le Liban tout entier qui en est l’otage et la victime expiatoire?

C’est vers ce Liban que vont aujourd’hui toutes nos pensées, Libanais de cœur ou d’adoption ou seulement inquiets pour nos familles libanaises, quelque part sous les bombes.

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