Un jeune auteur qui sait «trouver un sens à l’absence»

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Publié 20/09/2011 par Paul-François Sylvestre

Le nom de Jérémie Leduc-Leblanc ne vous dit sans doute rien. Jusqu’à tout récemment, on ne lui connaissait qu’un seul ouvrage, un recueil de poésie paru en 2007. Depuis, il a reçu une bourse du Conseil des arts et des lettres du Québec, dans le cadre du programme «Auteurs et écrivains de la relève», et voici qu’il nous offre un remarquable recueil de nouvelles: La légende des anonymes et autres promenades.


Dans cet ouvrage, il arrive parfois que la première phrase nous interpelle ou nous intrigue. Une nouvelle commence par «Hans a vingt-huit ans et un gros trou à la place des idées et du cœur.» 


Une autre débute par «Je suis un homme sans intérêt.» La meilleure phrase de départ est sans doute «Je ne sais rien, mais je dirai tout.»


Chaque nouvelle a son tempo. L’une d’elles raconte comment Bertrand marche, comment il avance sans faire de vague, «tissant, rue après rue, jour après jour, la toile invisible du temps.» 


À bien y penser, les textes de Jérémie Leduc-Leblanc sont presque tous des parcours singuliers où se côtoient des êtres seuls ou isolés, dont la trajectoire erratique reprend de manière métaphorique une quête identitaire difficile à assumer.


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La nouvelle que j’ai le plus savourée s’intitule La valse des chenillettes. C’est celle où il est question de Hans… qui cherche le «juste mot…, qui pense savoir écrire parce qu’il sait se tenir à table…, qui boit pour briser le silence des mots…, qui comprend qu’en cherchant comment dire les choses, c’est comme s’il avait oublié ce qu’il voulait dire.»


Hans rêve d’être un écrivain, rien de moins qu’un Kundera. Il fume cet auteur en déchirant la page 247 de L’insoutenable légèreté de l’être, y dépose du tabac, la roule et tire. Ce qui permet à l’auteur d’écrire que «Kundera tire à sa fin»!


Quiconque a écrit, publié, dédicacé son livre, fréquenté les salons du livre et participé à des tables rondes se reconnaîtra quelque peu dans le personnage de Hans. 


Il se demandera, comme lui, «pourquoi les meilleures idées viennent-elles immanquablement quand on est dans l’impossibilité d’écrire? Comme sous la douche. En se rappelant la réception offerte lors d’un lancement de livre, il se dira qu’il y a en effet des gens qui «citent de grands auteurs dans le texte, entre deux craquelins aux huîtres fumées».


Quand je lis en vue d’écrire une recension, je griffonne toujours des mots clés à la dernière page du livre. Dans ce cas-ci, j’ai écrit «il sait faire vivre les mots». Mais il serait plus juste de dire que Jérémie Leduc-Leblanc VIT intensément les mots. Il sait «trouver un sens à l’absence».


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Je crois que La légende des anonymes et autres promenades a de bonnes chances de se trouver sur ma liste des «coups de cœur de notre chroniqueur» pour l’année 2011…


Jérémie Leduc-Leblanc, La légende des anonymes et autres promenades, nouvelles, Montréal, Éditions Triptyque, 2011, 160 pages, 18 $.


Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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