Un cocktail avec ça?

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 14/02/2012 par Martin Francoeur

Il y a des expressions qui gagnent en popularité au gré des saisons. Les médias y sont parfois pour beaucoup. Dans ce cas-ci, ce sont les lecteurs de nouvelles et les présentateurs ou présentatrices de météo qui en sont les principaux responsables. Je parle de l’expression «cocktail météo».

Quand l’hiver semble s’acharner et que tous les éléments se succèdent à grande vitesse ou se concentrent dans une région donnée, on parle souvent de cocktail météo.

La neige, le vent, la pluie, la pluie verglaçante sont généralement les principaux ingrédients de ces cocktails nouveau genre.

S’il est étonnant de voir que le mot cocktail, associé à un contexte météorologique, est en train de gagner du terrain, il ne faut certes pas s’en offusquer. C’est même là un bel exemple de l’implantation d’un sens nouveau pour un mot existant. Pourquoi pas!

Ce n’est probablement pas un hasard qu’on ait vu apparaître cette expression. Le mot cocktail a déjà des emplois associés à des contextes autres que le mélange d’alcool, de jus ou d’autres additifs liquides.

Publicité

En fait, les dictionnaires nous disent que le mot peut, par extension, désigner un mélange, inattendu ou dangereux pour être plus précis. Aussi pourra-t-on entendre qu’une personne a tenté de se suicider en prenant un «dangereux cocktail de médicaments».

On peut aussi parler d’un «cocktail explosif» quand des événements se produisent simultanément ou que des interventions de personnes se succèdent rapidement, comme dans une joute politique, par exemple.

Et la grande question dans tout ça… D’où vient le mot cocktail? Comment ce mot anglais s’est-il frayé un chemin jusque dans notre langue?

Le Robert historique de la langue française nous apprend que le mot est emprunté à l’anglais depuis la moitié du XVIIIe siècle, mais à ce moment, il ne désignait pas encore la boisson alcoolisée.

Le mot est bel et bien formé de cock (coq) et de tail (queue) et il a d’abord désigné un cheval auquel on a coupé un muscle de la queue de façon à ce qu’elle se redresse comme celle d’un coq. En français, on employait le verbe «anglaiser» pour désigner cette opération.

Publicité

Mais comme celle-ci n’était jamais pratiquée sur des chevaux de pure race, le mot cocktail en est venu à désigner «un cheval de course bâtard puis, par analogie, un homme de noblesse incertaine».

Cette idée de «bâtardise» a donné celle de «mélange», et le sens de «boisson alcoolisée composée de substances différentes» est apparu aux États-Unis dès le début du XIXe siècle. C’est le sens qu’on a retenu pour le faire passer dans la langue française, puisque le concept de mélange de boissons serait apparu aux États-Unis.

Avec les années, et par extension, le mot en est venu à désigner différentes sortes de mixtures, au sens propre comme au sens figuré.

Mieux encore, on l’emploie maintenant pour désigner aussi une réunion ou un événement où on boit. On peut assister à un cocktail, on peut prendre part à un cocktail-bénéfice…

Il y a eu une tentative – pas très réjouissante au demeurant – de franciser le mot cocktail en le transformant en coquetel.

Publicité

Il n’y a que le Larousse qui le mentionne encore et qui indique que cet emploi est propre au français parlé au Québec. Le Robert n’en fait pas mention. Le Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française (OQLF) mentionne que «le terme cocktail constituant un emprunt intégral à l’anglais, la forme francisée coquetel est à privilégier».

Qu’il me soit permis d’être en total désaccord. Coquetel n’est qu’une transcription phonétique d’un mot anglais. Sur le plan étymologique, ça ne tient pas la route.

D’ailleurs, beaucoup de francophones, surtout ici au Canada, prononcent le mot cocktail avec sa sonorité anglaise, ce qui repousse dans les câbles la graphie coquetel.

Alors si l’hiver amène aujourd’hui son lot de cocktails météo, plusieurs tentent de les fuir en allant siroter des vrais cocktails sur les plages du sud. Et il faut avouer que cette idée est souvent tentante…

Auteur

  • Martin Francoeur

    Chroniqueur à l-express.ca sur la langue française. Éditorialiste au quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières. Amateur de théâtre.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur