À l’écoute de À la figure (Audiogram), la première chose qui nous vient à l’esprit, c’est que Marc Déry a dû se taper l’intégrale de Pink Floyd en toile de fond à la genèse de l’album, à en juger par ses climats planants et ses tempos uniformément lents, au point où l’on frise par moment le plagiat. En revanche, on peut regretter que l’auteur-compositeur québécois n’ait pas cru bon de s’inspirer de la tension sous-jacente à l’œuvre de Waters et Cie, ce qui eut donné à sa musique le tonus qui lui fait défaut.
Joliment parée de violons et de violoncelles, ponctuée de roulements de timbales qui cultivent l’illusion symphonique, À la figure constitue l’exemple parfait d’une grosse production au service – ou à la rescousse – de petites chansons. S’il évolue dans l’ombre de Daniel Bélanger (auquel on le compare souvent), Déry ne possède ni la fibre poétique, ni le registre vocal de son homologue et ami, lequel signe ici les paroles de En septembre, peut-être le plus beau moment de l’album.
«Sa prose surréaliste puise sa source dans les événements du quotidien», dixit le communiqué de sa maison de disques. Dommage que la banalité du quotidien déborde du même coup sur chacun des textes de ce nouvel album, encou-ragée par une plume qui ne craint pas les clichés ni les rimes paresseuses («Je t’aimerai toujours, c’est sûr/Je t’aimerai toujours, je le jure») Et pour ce qui est des Surréalistes, on peut douter qu’ils se reconnaîtraient dans ces chansons qui, loin de nous provoquer à l’intelligence (selon l’expression de Ferré), nous flattent indolemment dans le sens du poil.
Mais trêve de cynisme: à une époque où tout nous pousse à craindre le pire, il est probable que le bonheur ouaté de À la figure servira de baume spirituel à ceux qui ne sont pas irrémédiablement endurcis.
Nom de Plume
À sa façon, Pépé a lui aussi plongé son seau dans le puits intarissable des 70’s, en actualisant le numéro de provoc’ qui fit naguère de Plume Latraverse un prophète dans tous les cégeps du Québec. À la fois grossier, puéril et marrant, Pépé (Philippe Proulx, sur son passeport) enfile son obscène costume d’ours rose et sa guitare acoustique pour se créer un personnage qui ose dire tout haut ce que vous et moi pensons tout bas (et un tas d’autres trucs qui ne nous viendraient jamais à l’esprit). Fakek’choz (La Tribu) lui donne l’occasion de vider son sac et en tirer deux douzaines de méchantes petites chansons, dont la plupart passent sous la barre des trois minutes.