Malgré son jeune âge – il a eu l’élégance de voir le jour un 27 janvier, il y a 30 ans, soit à la même date que Mozart – le violoniste manitobain James Ehnes jouit d’une telle notoriété internationale qu’on attend maintenant d’entendre «son» concerto de Beethoven ou «son» concerto de Brahms. Il faut dire qu’Ehnes multiplie les miracles depuis quelque temps, notamment avec un magistral doublé de Bach: l’intégrale des sonates pour violon solo, suivie du premier volume des sonates pour violon et clavecin, tous deux parus sur l’étiquette montréalaise Analekta.
Après ces pages d’une sublime austérité, Ehnes nous revient avec les cinq Concertos pour violon de Mozart (Disques SRC), lesquels offrent à l’interprète comme au public des plaisirs plus extravertis et, somme toute, plus légers. À condition, bien sûr, de tempérer ses ardeurs: sagement, le violoniste résiste à la tentation de nous en mettre plein la vue dans les mouvements plus enjoués, et de déraper dans le romantisme maniéré dans les moments de tendresse (à ce titre, l’andante du quatrième concerto est un modèle d’équilibre). Quant aux cadenzas de son cru, elles sont empreintes d’une touchante modestie qui n’exclut pas une virtuosité sans failles.
Mais le succès de l’entreprise ne tient pas seulement à un homme et son archet: s’entourant d’un «Orchestre de l’anniversaire de Mozart» qu’il dirige lui-même et dont les membres ont été recrutés parmi ses copains de l’OSM, de l’OST, des Violons du Roy ou du Detroit Symphony, Ehnes a su préserver les dimensions mozartiennes et la transparence souhaitée de ces œuvres-phare du répertoire pour violon, et qui sont d’autant plus miraculeuses qu’elles furent toutes écrites en l’espace de quelques mois, avant que le compositeur ait atteint le cap de la vingtaine.
Dans l’intimité de Mozart
Depuis le printemps dernier que j’attendais ce disque, c’est-à-dire depuis que Yannick Nézet-Séguin (alors de passage à la tête de l’Orchestre symphonique de Toronto) et la soprano acadienne Suzie Leblanc avaient régalé une poignée de critiques et de journalistes au studio Glenn Gould, le temps d’un mini-récital Mozart. Et depuis sa parution, Mozart Lieder (ATMA/Distribution SRI) n’a pratiquement pas quitté mon lecteur cd, me lavant invariablement l’âme des souillures du quotidien.
En associant le lied allemand au triumvirat Schubert-Schumann-Brahms (et donc au XIXe siècle), on tend à oublier les contributions de Mozart à ce genre originellement destiné à la sphère domestique.