J’ai laissé Haïti parce que j’avais trop peur. C’était il y a trois ans de cela. Le stress, mêlé à une certaine rage intérieure contre la barbarie, me ravageait. L’intolérable, le cynisme et la cruauté des dirigeants politiques me suffoquaient.
Je devais laisser pour respirer et me retrouver. J’ai choisi de partir trois jours avant la célébration de notre fête d’indépendance. Cela fait déjà deux cent ans depuis que nous sommes indépendants. À mon avis, il n’y avait rien à célébrer. La misère, le chaos, il n’y avait point de place dans ma tête à la fête. J’ai laissé mon enfance en Haïti.
Ma mère et ma soeur y vivent encore. L’appartement de ma soeur a été cambriolé deux semaines de cela. Un parfait cadeau après seulement une semaine de mariage. Ma mère ne se sent plus en sécurité et arpente maison après maison. Je suis maintenant en exil volontaire.
J’ai laissé Haïti mais elle ne m’a pas laissé. Je suis un autre immigrant dans cette grande ville qui va beaucoup trop vite. Je suis un autre immigrant avec des rêves obèses scrutant l’avenir comme un chien qui renifle pour son os.