Travailleurs étrangers: la Banque royale s’excuse

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Publié 09/04/2013 par Diana Mehta (La Presse Canadienne)

à 14h16 HAE, le 11 avril 2013.

TORONTO – La Banque Royale fait des excuses publiques aux travailleurs touchés par l’entente de sous-traitance conclue avec une compagnie étrangère.

Le chef de la direction, Gord Nixon, a exprimé dans une lettre transmise jeudi que la Banque Royale aurait dû faire preuve de plus d’égards et offrir une aide plus importante à ses propres employés.

M. Nixon a de nouveau assuré que tous ces employés — environ 45 personnes, selon les informations qui circulent — se verront offrir des occasions d’emploi similaires au sein de la banque.

La Royale avait chargé la société iGate de recruter 45 employés de l’étranger pour leur faire suivre une formation dans certaines succursales en prévision de l’emploi qu’ils pourraient y occuper, en vertu de dispositions du programme fédéral des travailleurs étrangers temporaires.

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Selon certains critiques, le programme mis en place par Ottawa permet aux entreprises de recruter de la main-d’oeuvre bon marché au détriment des travailleurs canadiens.

M. Nixon a affirmé que la Banque Royale revoyait aussi ses ententes avec des fournisseurs et ses politiques à cet égard, pour concilier la volonté d’être à la fois, dit-il, «une entreprise qui réussit sur le plan commercial et une entreprise citoyenne de premier plan».

iGate coopérera à l’enquête

iGate affirme qu’elle «coopérera pleinement» à l’enquête gouvernementale portant sur les activités de l’entreprise qui fait venir des travailleurs étrangers en vertu du programme fédéral d’employés étrangers temporaires pour que ces derniers puissent être formés à la RBC pour des services qu’ils offriront ensuite à la banque.

Jason Trussel, premier vice-président et directeur régional chez iGate Canada, affirme que les pratiques d’embauche de l’entreprise «respectent entièrement toutes les lois canadiennes».

Le programme fédéral en lui-même a été critiqué comme étant un outil qui permet aux entreprises de décider d’embaucher des employés étrangers temporaires qui peuvent être payés jusqu’à 15 pour cent moins cher que les Canadiens.

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La ministre des Ressources humaines, Diane Finley, a demandé à des responsables d’examiner des documents soumis par iGate après que des possibles différences eurent été détectées entre des documents publics de la RBC et des renseignements transmis au gouvernement par iGate.

«Nous sommes très inquiets des récents problèmes touchant le Programme des travailleurs étrangers temporaires, a déclaré mardi la porte-parole de Mme Finley, Alyson Queen. Des responsables enquêtent sur de récentes informations concernant les avis relatifs au marché du travail offerts à iGate et se pencheront sur toute preuve voulant que le programme soit mal utilisé.»

Afin d’obtenir des permis pour embaucher des travailleurs étrangers temporaires, les entreprises doivent démontrer qu’un candidat canadien n’a pas pu être trouvé pour occuper un poste.

La Banque Royale maintient qu’elle n’a pas embauché de travailleurs étrangers temporaires pour s’occuper des tâches d’employés actuels. La plus grande banque canadienne affirme toutefois avoir sous-traité certains services technologiques à une entreprise étrangère — une décision qui touche 45 employés travaillant présentement pour la RBC à Toronto.

Cette décision a poussé plusieurs Canadiens à exprimer vertement leur désaccord envers la RBC.

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Le siège social d’iGate est situé aux États-Unis. L’entreprise emploie plus de 28 000 personnes dans plusieurs pays.

Une experte en immigration laisse entendre qu’iGate pourrait avoir obtenu un avis positif en prouvant que les permis qu’elle tentait d’obtenir concernaient des emplois qui ne demeureront jamais au Canada sur le long terme.

«Les permis de travail n’ont pas été délivrés en vertu de l’intention de faire travailler [les employés étrangers] au Canada. Ces postes seront délocalisés en Inde, ce qui n’est pas illégal», a déclaré l’avocate en immigration Chantal Desloges.

«La colère du peuple est dirigée vers les travailleurs étrangers temporaires, mais ce n’est pas vraiment à cause de cela. Les gens sont plutôt fâchés contre les emplois qui sont délocalisés en Inde et en Chine.»

Programme critiqué

Selon des observateurs, le geste de la Banque royale du Canada cadre dans un contexte beaucoup plus vaste.

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«Le gouvernement canadien a fortement encouragé les employeurs à faire appel à des travailleurs étrangers temporaires», soutient Audrey Macklin, une enseignante à l’Université de Toronto et spécialiste en matière d’immigration.

Selon Mme Macklin, le gouvernement canadien incite les entreprises à recourir à des travailleurs étrangers temporaires, directement ou indirectement, en traitant leur requête d’immigration plus rapidement et en autorisant leur employeur à les payer moins cher qu’ils ne le feraient pour des travailleurs canadiens.

«En fait, le gouvernement du Canada subventionne les employeurs dans une proportion de 5 à 15 pour cent des coûts de main-d’oeuvre, sur le dos des travailleurs étrangers temporaires et au détriment de Canadiens», a déclaré Mme Macklin, qui ajoute que les compagnies se tournent souvent vers des fournisseurs externes pour accéder à un bassin de travailleurs étrangers temporaires.

Le gouvernement a maintes fois affirmé que le Programme des travailleurs étrangers temporaires vise uniquement à combler des «besoins aigus de main-d’oeuvre» lorsque des Canadiens ne sont pas disponibles pour occuper ces postes.

Mais selon le chef du Nouveau Parti démocratique, Thomas Mulcair, le gouvernement conservateur n’a rien fait pour freiner de telles pratiques.

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«Nous voyons des banques et d’autres grandes sociétés, avec leurs avocats, qui érigent ces systèmes où des Canadiens sont privés de leur gagne-pain», a-t-il déclaré lundi.

La croissance rapide du Programme des travailleurs étrangers temporaires a généré des inquiétudes selon lesquelles des entreprises canadiennes comblent des postes à l’aide d’une main-d’oeuvre étrangère moins dispendieuse plutôt que de rechercher activement des Canadiens pour occuper ces emplois.

En 2012, on a compté plus de 213 000 travailleurs étrangers au Canada, comparativement aux quelque 160 000 immigrants qui sont entrés au pays en vertu du programme fédéral réservé aux travailleurs qualifiés.

Selon Sharryn Aiken, enseignante à l’Université Queens et experte en matière d’immigration, il faudrait établir une liste du type d’emplois que ces travailleurs temporaires occupent, ainsi que la durée.

Postes exigeant peu de qualifications

Par ailleurs, un regroupement de syndicats en Alberta réclame une révision du programme fédéral censé aider les employeurs à embaucher rapidement des travailleurs étrangers temporaires pour combler des postes exigeant une certaine qualification.

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L’Alberta Federation of Labour affirme que depuis que ce programme a été annoncé en avril dernier, plus de 2400 permis ont été octroyés par Ottawa pour embaucher des travailleurs étrangers afin de combler des postes nécessitant pourtant peu de qualifications, au sein de l’industrie des services.

En vertu du programme de Demande d’avis relatif au marché du travail accéléré, les employeurs peuvent verser à ces travailleurs étrangers un salaire jusqu’à 15 pour cent moindre que celui des employés canadiens. Le programme est conçu pour traiter des permis visant l’embauche de travailleurs étrangers temporaires pour des emplois hautement qualifiés, y compris des postes spécialisés, à l’intérieur d’une période de 10 jours ouvrables.

Au dire du président de la fédération, Gil McGowan, des documents obtenus après des demandes d’accès à l’information révèlent que des restaurants rapides, des dépanneurs et des stations-service font partie des employeurs ayant obtenu des permis de travail en vertu du programme fédéral.

Pour M. McGowan, il est pourtant très difficile d’imaginer que les postes offerts au sein de ces entreprises nécessitent des qualifications importantes.

Selon lui, ces permis sont utilisés pour remplacer des travailleurs canadiens, et il désire désormais que le vérificateur général se penche sur le processus d’approbation gouvernemental.

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Selon M. McGowan, un peu plus de la moitié des accréditations sont octroyées à des entreprises albertaines, dont 33 restaurants A&W.

«Les travailleurs qui veulent s’installer au Canada devraient bénéficier des mêmes droits et privilèges que les autres résidants du pays», a-t-il déclaré par voie de communiqué. «Nous ne devrions pas les payer 15 pour cent de moins que les Canadiens, et le gouvernement ne devrait pas les accepter en utilisant un procédé faussé et accéléré.»

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