Trafalgar, Jupiter, Jarnac…

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Publié 27/11/2007 par Martin Francoeur

Vous avez été quelques-uns à me faire part de vos commentaires sur ma dernière chronique. J’aime toujours vous lire et, lorsqu’il y a des questions – voire des colles – j’aime toujours tenter d’y répondre au meilleur de mes connaissances et de mes petites recherches.

Une lectrice me faisait part qu’elle avait déjà entendu l’expression «tomber de Charybde en Scylla» mais qu’elle n’avait jamais su comment l’écrire ni ce qu’elle signifiait. Dans son message, elle me demandait d’où venait l’expression «se croire sorti de la cuisse de Jupiter». Pour une colle, c’en était toute une. Comme cette dame, j’ai déjà entendu l’expression, sans savoir exactement à quoi elle fait référence.

Bon, on connaît tous un peu Jupiter. Il est, dans la mythologie romaine, le dieu du Ciel et de la Foudre. L’équivalent de Zeus chez les Grecs. L’expression «se croire sorti de la cuisse de Jupiter», qui présente quelques variantes, signifie: être imbu de sa personne, se croire le centre du monde.

La plupart des significations font inévitablement référence à l’égoïsme ou à l’égocentrisme. Bref, ce n’est pas une qualité que de se croire sorti de la cuisse de Jupiter.

L’expression tirerait son origine de l’histoire selon laquelle Jupiter, répondant à une demande de sa maîtresse Sémélé – une mortelle – qui l’implorait de se montrer à elle dans toute sa gloire, déclencha un violent coup de tonnerre et la foudroya. Jupiter arracha du ventre de cette femme leur enfant qui devait naître et l’enferma dans sa cuisse jusqu’à sa naissance. L’enfant en question était nul autre que Bacchus, dieu du Vin et de l’Ivresse. Les Romains, dans leur mythologie, ont ainsi adapté le «mythe de Dionysos».

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En fouillant pour trouver ces explications, je suis tombé sur quelques autres expressions formées à partir de noms propres. Elles font souvent référence à des personnages mythologiques ou historiques, à des lieux célèbres ou à des œuvres littéraires.

J’ai fait une belle trouvaille en apprenant le sens de l’expression «s’embarquer pour Cythère». Je savais qu’il existait une œuvre de Watteau qui s’intitule L’Embarquement pour Cythère. Et il me semblait aussi que c’était le titre d’une composition musicale. Les ouvrages me l’ont confirmé. Mais ils m’ont aussi appris que «s’embarquer pour Cythère» est une expression qui signifie «tomber amoureux» ou «avoir un rendez-vous galant», généralement pour la première fois.

L’expression tire son origine du fait que la déesse de l’amour chez les Grecs, Aphrodite, serait née sur le rivage de Cythère, une île de la mer Égée. Cet endroit fut ensuite un haut lieu de culte de la déesse. S’embarquer pour cette île signifiait en quelque sorte: aller rendre hommage à la déesse de l’Amour ou, par extension, aller s’adonner à des plaisirs amoureux.

Il n’y a pas que la mythologie qui nous donne des expressions riches et colorées. Un «coup de Jarnac», par exemple, est en quelque sorte une traîtrise ou un coup bas inattendu.

L’expression fait référence à Guy Chabot, comte de Jarnac, qui lors d’un duel avec François de Vivonne, un favori du roi Henri II, entailla inopinément et traîtreusement le jarret de son adversaire. Le roi pardonna au comte, car celui-ci avait tout de même préservé la vie de Vivonne. On dit que celui-ci, furieux et honteux, arracha les bandages protégeant sa blessure et en mourut trois jours plus tard.

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Parlant de «coup», je suis aussi tombé sur l’expression «un coup de Trafalgar», qui désigne un événement ayant de graves conséquences. Elle fait référence à la célèbre bataille navale de Trafalgar, au nord-ouest du rocher de Gibraltar, entre les flottes française, anglaise et espagnole. La flotte de Napoléon y a été anéantie, entraînant de graves conséquences pour l’avenir de la marine française. On dit aussi qu’un «coup de Trafalgar» est un événement ayant de grandes répercussions et qui reste longtemps à l’esprit.

On a beau pester contre les difficultés associées à la langue française en ce qui a trait à son orthographe, à sa grammaire, à ses exceptions, à ses règles parfois incongrues, mais un tel voyage dans le monde des expressions imagées nous réconcilie avec elle. On a la preuve, hors de tout doute, que lorsque vient le temps de bien dire les choses et, surtout, de les imager, elle contient d’inépuisables trésors qui enrichissent le discours et qui font honneur à l’histoire, quelle qu’elle soit.

Auteur

  • Martin Francoeur

    Chroniqueur à l-express.ca sur la langue française. Éditorialiste au quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières. Amateur de théâtre.

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