Tout sur le homard, de la tête à la queue (qui n’en est pas vraiment une)

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La ville de Shediac, près de Moncton, au Nouveau-Brunswick, se targue d’avoir le plus gros homard au monde. Le «vrai» plus gros homard pêché enregistré pesait 20 kg. Photo: Wikimedia Commons, domaine public
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Publié 19/02/2023 par Marc Poirier

On associe habituellement le homard à l’été, aux vacances ou encore à la Fête des Mères. Mais dans le Sud de la Nouvelle-Écosse et autour de l’ile de Grand Manan, au Nouveau-Brunswick, les pêcheurs de homard sont à l’œuvre en plein cœur de l’hiver.

Sont-ils à plaindre? Peut-être, mais au moins, ça rapporte.

La valeur des débarquements la saison dernière dans la plus grande zone du Canada, celle de la pointe Sud-Ouest de la Nouvelle-Écosse, était de 375 millions $. Qui dit mieux? Personne.

Désolé de vous l’apprendre, mais tout le homard que nous mangeons au Canada est un homard… américain. Rassurez-vous, de nom seulement.

Il y a plusieurs espèces de homard dans le monde, mais deux seules sont exploitées commercialement.

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Le homard qui se trouve le long des côtes atlantiques de l’Amérique du Nord porte le nom savant d’Homarus americanus, soit le homard d’Amérique. Gageons que ce n’est pas un scientifique canadien qui a pris cette décision (pari gagné – c’est un zoologiste français).

Le homard européen, souvent nommé en France le homard breton ou encore le homard bleu en raison de la couleur de sa carapace, porte le nom scientifique dHomarus gammarus.

Homards
Pêcheurs de homard à la baie Sainte-Marie, en Nouvelle-Écosse, 1er décembre 1950. Photo: John Collier Jr., Archives Nouvelle-Écosse

D’homarus non grata à aliment de luxe

Il aura fallu plus de deux siècles au homard pour grimper en haut de la pyramide épicurienne.

Pour les colons européens qui arrivent en Amérique du Nord au XVIIe siècle, le homard est un plat à éviter, tout comme pour les Autochtones, qui le mangent cru à l’époque. Les carcasses du crustacé jonchent les rives et dégagent une odeur à vouloir retourner dans les vieux pays.

Le homard sert alors surtout d’engrais dans les champs. Puis, on le donne à manger aux engagés, aux prisonniers et aux pauvres.

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À l’époque, le homard a tellement peu la cote que, pour certaines familles, c’était même une honte d’en manger, car c’était avouer qu’elles n’avaient rien d’autre à se mettre sous la dent.

La cuisson du homard vivant et l’arrivée du train vont populariser la consommation du crustacé, et sa forte demande va en faire un plat davantage accessible aux mieux nantis.

Les choses changent quand on s’aperçoit que le homard goûte beaucoup mieux s’il est cuit vivant. L’arrivée du train en fait une superstar fin XIXe siècle. Les restaurateurs de New York et de Boston s’en mêlent. Résultat: le homard verra sa chaire devenir… pas mal plus chère.

De la honte à la gloire, il n’y a qu’un pas que les dix pattes du homard ont franchi avec courage.

Massachusetts
Représentation de pêcheurs de homard au Massachusetts en 1887. Illustration: Thomas William Smillie, Wikimedia Commons, domaine public

Une anatomie hors du commun

Le homard en tant qu’animal est vraiment une drôle de bibitte. D’abord, il n’a pas de nez. En fait, il «sent» avec ses pattes et ses pinces qui sont munies de plusieurs récepteurs grâce avec lesquels il peut repérer sa nourriture.

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Ensuite, il n’a pas de dents. En fait oui, mais pas dans sa bouche. Elles sont plutôt dans son estomac – plus précisément, dans un de ses deux estomacs. S’il est vrai qu’on peut avoir l’estomac dans les talons, le homard, lui, l’a – ou plutôt les a – dans la tête, juste derrière les yeux.

D’ailleurs, cela nous mène à une autre grande révélation : la queue du homard, biologiquement, n’est pas une queue. C’est un abdomen. On y trouve d’ailleurs son intestin, cette petite veine noire qu’il ne faut pas manger.

Quant à son cerveau, n’en parlons pas. Bon, parlons-en mais brièvement. Il a la grosseur d’un pois, juste derrière les yeux, à côté donc des estomacs. Certains experts disent qu’il n’en a pas vraiment.

Plus sérieusement, une des bizarreries du homard est à envier: s’il perd une pince ou une patte, ce membre repoussera à la prochaine mue. On aimerait connaître le truc. Puis, bonne nouvelle: il a un cœur et, de surcroit, à la bonne place. Rassurant.

Homards
Dougall Doucette tient le premier homard de la saison à Miminegash, Île-du-Prince-Édouard, en septembre 1948. Photo: George Hunter, Bibliothèque et Archives Canada

Le Maine et la Nouvelle-Écosse en tête de peloton

De nature généreuse, l’Homarus americanus s’offre à nous sur le littoral atlantique, de la Caroline du Nord jusqu’au sud du Labrador.

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Mais là où ça devient sérieux, c’est dans le golfe du Maine et le golfe du Saint-Laurent.

Quelques chiffres – mais pas trop:

  • Plus de 166 500 tonnes de homard ont été pêchées dans ce grand territoire nautique en 2020-2021. Près des deux tiers de cette manne ont été débarqués au Canada (63%), le reste (37%) aux États-Unis.
  • Les pêcheurs de l’État du Maine sont responsables d’environ 80% du homard capturé aux États-Unis. Le crustacé y est tellement abondant que la saison de pêche est ouverte toute l’année, même pendant la mue, ce qui serait un sacrilège au Canada.
  • Si les pêcheurs du Maine sont les champions américains du homard, ceux du Sud-Ouest de la Nouvelle-Écosse volent nettement la vedette au Canada.
  • Dans la seule zone 34 (qui couvre la pointe Sud-Ouest de la province), on y a capturé plus de 20 000 tonnes de homard en 2020-2021, soit un homard sur cinq qui a été débarqué au Canada. Depuis 1980, les captures dans cette zone bénie des dieux ont augmenté de 600%!
  • Parmi les quelque 1000 pêcheurs de cette zone, de nombreux loups de mer sont Acadiens et viennent des régions de Clare et d’Argyle en Nouvelle-Écosse.

Un gars, une fille?

Entre les deux genres de homard, le cœur des consommateurs balance. Comment faire la différence?

Sous la queue – ou l’abdomen, pour les puristes – il y a cinq paires de trucs – ou petites excroissances pour être plus précis – qui ressemblent à des nageoires. Pour tout vous dire, ce sont des pléopodes.

Chez le mâle, la paire la plus près du thorax est plus grosse et elle est dure. Chez la femelle, elle est molle.

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Certaines rumeurs veulent que les «hanches» ou plutôt la partie supérieure de la queue des femelles soient plus larges.

Aucun scientifique n’a osé se prononcer jusqu’ici sur le sujet. Non, c’est une blague! C’est effectivement le cas. Cette partie du corps du homard femelle est plus large, même arrondie, question de mieux contenir les œufs.

L’espace nous manque pour parler du débat entourant la souffrance ou non du homard lorsqu’on le cuit dans l’eau bouillante ou encore tergiverser sans fin sur qui a inventé la guédille (le fameux lobster roll, dans l’autre langue officielle).

Homards
La guédille au homard est un régal autant au Canada qu’en Nouvelle-Angleterre. Photo: Wikimedia Commons, Attribution 2.0 Generic

Terminons avec une histoire savoureuse concoctée par les Cadiens de la Louisiane. Ils aiment raconter, sourire en coin, que leurs ancêtres acadiens ont pris avec eux des homards lors de la Déportation et, ce faisant, que ceux-ci ont rapetissé pour devenir des écrevisses. C’est le genre de truc qu’on aimerait qui soit vrai.

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