Toronto toujours hantée par le G20

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Publié 14/12/2010 par Vincent Muller

«L’histoire n’est pas terminée», lance Nathalie DesRosiers, avocate et directrice de l’Association canadienne des libertés civiles (ACLC), interrogée suite à la parution du rapport de l’Ombudsman provincial André Marin, publié le 7 décembre et condamnant entre autres «le recours à un règlement probablement illégal pour accorder des pouvoirs extravagants à la police à la veille du G20».

L’information de ces deux dernières semaines a été fortement marquée par les questions concernant le comportement des forces de l’ordre durant les manifestations qui entouraient le sommet, en particulier le cas d’Adam Nobody, battu par un groupe de policiers le 27 juin.

Le règlement 233/10 sur la protection des ouvrages publics, vieux de 71 ans, avait été appliqué pour le périmètre de sécurité du G20, débouchant sur des contrôles d’identité pour les personnes se trouvant aux abords de la zone. Ceux qui ne fournissaient pas de pièce d’identité ou qui ne donnaient pas la raison de leur présence pouvaient être fouillés et arrêtés. «On est encouragés par la perspective de l’Ombudsman sur cette question. Selon moi, les deux aspects les plus importants, le caractère ambigu et anticonstitutionnel du règlement 233/10, et son processus d’adoption en secret, ont été dénoncés», considère Nathalie DesRosiers.

Selon l’Ombudsman, les manifestants qui avaient pris la peine de s’informer de leurs droits ont été pris au piège par cette mesure que le ministère n’a pas publicisée. Pour compliquer les choses, la police de Toronto a mal compris la portée du règlement visant l’intérieur du périmètre de sécurité, qu’elle a invoqué pour poursuivre des arrestations à l’extérieur, «même après rectification de l’erreur l’interprétation».

«Le rapport dit que ce sont les services de police qui ont demandé ça. C’est cohérent avec ce qu’on avait obtenu du gouvernement plus tôt, à savoir que ça faisait suite à une demande du chef de police de Toronto, Bill Blair, le 12 mai dernier», explique la directrice de l’ACLC.

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Dans ce cas, le minimum qu’on attend des services de police est que les officiers soient formés sur l’application de ce règlement, ce qui n’a visiblement pas été fait.

«On doit s’attendre à ce que, si les services de police ne donnent pas une formation adéquate, qu’ils soient responsabilisés pour ça», considère Nathalie DesRosiers.

Il est en fait assez compliqué d’attribuer les responsabilités de ce manque de formation et de communication: «Jusqu’à présent les services de police ont été réfractaires aux enquêtes. Ils ont refusé de collaborer avec l’Ombudsman. Les gens collaborent s’ils veulent, donc on n’a jamais l’histoire complète», observe Mme DesRosiers.

Abroger ou éliminer la Loi

Parmi les recommandations d’André Marin figure l’importance de réexaminer ou de remplacer la Loi de protection sur les ouvrages publics, ainsi que l’élaboration d’un protocole demandant la tenue de campagnes d’information publique «chaque fois que les pouvoirs policiers sont modifiés par des mesures législatives subordonnées».

La directrice de l’ACLC se dit «encouragée que le gouvernement ait décidé d’adopter ces recommandations».

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Elle considère cependant que «l’histoire n’est pas terminée» évoquant différents rapports commandés par la ville et la province sur les événements de l’été. L’ACLC, qui a aidé 75 personnes à élaborer leurs plaintes contre les services de police, continue de suivre les dossiers.

Vidéos incriminantes

Le chef Bill Blair, qui avait tenté de dédouaner ses agents suite aux accusations d’Adam Nobody, a été contredit par les vidéos de manifestants. Ces derniers jours, de nombreuses vidéos envoyées par des personnes présentes aux manifestations ont permis d’identifier 14 officiers qui ont participé au tabassage de ce manifestant.

De son côté, la Special Investigation Unit (SIU), commission civile chargée d’enquêter sur les agissements de la police et de déterminer si des poursuites criminelles doivent être mises en place, a vu sa crédibilité remise en question par le rapport d’André Marin. L’organisme y est accusé de vouloir éviter les confrontations avec la police.

De fait, le 25 novembre, la SIU avait jugé qu’il n’y avait pas lieu d’enquêter sur les agissements de policiers face à six plaintes, dont celle d’Adam Nobody, mais s’est ravisée suite au tollé de protestations qui ont suivi les critiques du chef Bill Blair contre les vidéos en questions.

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