Le 21 octobre, à la succursale North York de la Bibliothèque publique de Toronto, Paul-François Sylvestre a expliqué comment une dizaine d’écrivains torontois ont dépeint la Ville Reine dans leurs romans, contes et nouvelles. Ces écrivains ne sont que la pointe de l’iceberg et ils en font voir de toutes les couleurs.
Toronto est avant tout une ville méconnue, voire mal-aimée. De toutes les villes canadiennes, on dit que Toronto est celle que les Canadiens aiment le plus… détester. Dans son roman intitulé Noëlle à Cuba, Pierre Karch campe un personnage qui est étonné de rencontrer un Torontois qui parle français: «– Comment vous avez fait ça? Ça n’a pas d’allure. Vous parlez presque aussi bien que nous autres. Il n’y a pas de Français, à Toronto, enfin pas de vrais. – Il y a moi. – Ah! bien. Ça parle au diable.»
Les personnages de Daniel Soha, dans Chroniques tziganes, abondent dans le même sens. Un couple arrive de New York et s’installe à Toronto, dans un immense appartement du centre-ville dont leur morale new-yorkaise réprouve les plafonds trop bas. Soha écrit: «Tout leur semble laid, petit, mesquin, les gens leur ont l’air mal dégrossi, rustique, grotesque: une grosse bourgade prude et prétentieuse, sans humour ni talent».
La rue Yonge fait couler beaucoup d’encre. Dans son roman Sur la piste des Jolicoeur, Pierre Léon transporte son personnage Suzon depuis Chinon (France) jusqu’à Toronto. Elle est bien déçue de ne pas voir un ours polaire à sa descente d’avion; elle devra se contenter de remonter la vieille rue Yonge, «qui est un peu la Broadway de Toronto. Il faut surtout la voir la nuit avec toutes ses enseignes lumineuses et les flonflons de ses innombrables bastringues.»
Didier Leclair donne une description éclatée de la rue Queen dans son roman Toronto, je t’aime. Son personnage béninois découvre qu’il s’agit d’un bout de chemin où les gens crient à tue-tête, s’engueulent et s’invectivent dans toutes les langues imaginables. Leclair écrit que «la rue Queen aimait cultiver la différence. Dans ses vitrines, elle affichait ses trésors de pacotille avec l’irrévérence d’une reine sans royaume. Elle se voulait indomptée dans ses lignes de vêtements, ses meubles rétro, ses galeries d’art remplies de cadres sans toiles.»