TOC: craignez-vous de perdre le contrôle?

Les compulsifs surestiment les menaces qui les entourent
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Publié 12/02/2018 par Isabelle Burgun

Vous pensez perdre facilement le contrôle de vous-même et cela vous rend plus anxieux? Cela pourrait pourtant faciliter la guérison des personnes souffrant de trouble obsessionnel compulsif, ou TOC, annonce une étude québécoise publiée dans le Journal of Obsessive-Compulsive and Related Disorders.

Vérifier à de multiples reprises si la porte est bien fermée, ranger ou se laver les mains à répétition: les personnes atteintes d’un TOC ne peuvent s’empêcher d’adopter ces comportements qu’elles expliquent du coup par des croyances et des insécurités infondées.

Or, le simple fait de croire à cette perte rapide du contrôle de soi ne ferait qu’augmenter les symptômes de TOC. Mais paradoxalement, c’est «la manipulation de cette croyance qui pourrait aider à soigner», soutient l’un des co-auteurs de l’étude, l’étudiant au doctorat en psychologie clinique, Jean-Philippe Gagné.

Faux disgnostic

Au sein du Laboratoire des troubles obsessionnels compulsifs et de l’anxiété du Centre de recherche clinique en santé de l’Université Concordia, les chercheurs ont soumis 133 participants à une expérience pour mettre à jour l’importance de cette croyance au sein des personnes souffrant de TOC.

À l’aide d’un casque destiné à mesurer les «zones cérébrales et la perte de contrôle», la moitié des participants recevait un faux verdict. Par exemple: «vous perdez facilement le contrôle de vous-même».

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L’expérience consistait ensuite en un défilement d’images que les participants pouvaient contrôler avec une série de manipulations sur un clavier. Or, le groupe de ceux faussement identifiés comme plus susceptibles de perdre le contrôle était celui qui vérifiait plus souvent la validité de sa manœuvre.

Confiance en soi

Par contre, ceux qui, avant l’expérience, croyaient très fortement qu’ils étaient à risque de perdre le contrôle, ont été moins tentés de contrôler la vitesse des images. «Tout le monde a vérifié, mais nous avons constaté deux fois plus de vérifications chez ceux qui avaient reçu un mauvais feed-back», confirme Mr Gagné.

Si le simple fait de nous faire croire qu’on risque de perdre le contrôle augmente les symptômes de vérification, cela peut donc s’avérer utile lors de la thérapie cognitivo comportementale — il s’agit de séances destinées à exposer le sujet à des situations problématiques.

«Plus la personne croit être vulnérable, plus il va être facile de tester cette croyance afin de la restructurer de manière positive. Agir sur cette croyance permettra de restaurer la confiance en elle», assure le chercheur.

Menaces extérieures

La peur de perdre le contrôle est au cœur des obsessionnels compulsifs. En plus de cette peur, la personne surestime les menaces qui l’entourent et se sent fortement responsable de ce qui pourrait arriver.

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«C’est la signification erronée qu’elle attribue aux faits qui la rend vulnérable et l’amène à développer des TOC. Elle devient hyper-vigilante et hypercontrôlante», explique la directrice de la clinique sur les TOC du Centre de santé universitaire McGill, Debbie Sookman.

Cela entraîne alors des rituels de compulsions chez certains individus et la progression de nombreux symptômes qui mettent au défi les traitements.

«Cela prend alors une stratégie pour faire changer les croyances de la personne afin qu’elle parvienne à cesser ces comportements», résume celle qui est aussi présidente de l’Institut Canadien des Troubles Obsessionnels-Compulsifs, un regroupement de spécialistes qui vise à améliorer la qualité et l’accessibilité des soins relatifs aux TOC.

Résultats généralisables?

Directeur du Centre d’études sur le TOC et les TICS de l’Institut universitaire de santé mentale à Montréal, Kieron O’Connor donne une bonne note à cette étude pour sa méthodologie et ses résultats. «L’auteur principal, Adam Radomsky, a la réputation de conduire des expériences bien contrôlées.».

Il souligne toutefois certaines limites de l’étude en raison du choix des participants qui ne sont pas des patients avec des troubles obsessionnels compulsifs, mais de simples étudiants. «Nous ne pouvons pas alors être sûrs de la façon dont les résultats peuvent se généraliser aux TOC.»

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Erreurs imaginaires

Le Pr O’Connor rapporte les grandes variations, relevées par les auteurs eux-mêmes, par rapport à «la crédibilité de la manipulation» exercée sur les «cobayes». «Et ce n’est pas non plus clair comment les conditions de laboratoire reflètent vraiment les réelles procédures de vérification liées au TOC», ajoute-t-il.

Il mentionne aussi un contre-argument à l’idée du besoin de contrôle qui motiverait le comportement de vérification des TOC. «Cela pourrait provenir d’une obsession exagérée et imaginaire d’erreurs réalisées dans le passé, et ces histoires, minant la confiance de la personne, pourraient la pousser à des vérifications excessives.»

Auteur

  • Isabelle Burgun

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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