The National Ballet of Canada ignore le public francophone

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Publié 27/01/2009 par Khadija Chatar

The National Ballet of Canada est une organisation à but non lucratif. Son statut ne l’empêche pourtant pas de s’approprier le titre de «national» qui laisse sous-entendre qu’il s’agit d’un service culturel à l’attention du public dans sa totalité… «officielle». Mais où se situent les limites du mot «national»? Disons qu’entre définition et pratique, un grand fossé les sépare, car si nous décidons de visiter un jour le site Internet du Ballet national du Canada ou plutôt The National Ballet of Canada (www.national.ballet.ca), quelle n’est pas notre surprise de trouver en seconde langue… le chinois!

Le Ballet a-t-il enfreint à la loi linguistique? Non, car il n’est pas une administration gouvernementale tenue de répondre aux deux communautés et donc aux deux langues officielles du pays, qui sont l’anglais et, on le rappelle encore, le français. Mais alors, pourquoi un francophone, non averti, serait-il, plus qu’étonné de trouver sa langue, non pas relayée au second rang, mais tout simplement et complètement balayée du site Internet, au profit du chinois?

Pour commencer, voyons ce qu’en disent les bailleurs de fonds qui sont, pour la plupart, des organismes gouvernementaux. Parmi eux, on retient, le Conseil des Arts du Canada qui a laissé, l’année dernière, échapper de sa poche près de 2 250 000 dollars pour le programme Création et production en danse, Toronto Culture, Patrimoine canadien, Le Conseil des Arts en Ontario, la Fondation des Arts en Ontario et La Fondation Trillium de l’Ontario.

«Le Ballet national du Canada et son école de danse ont reçu une subvention de 75 000 $ pour une durée de 7 mois, à l’automne dernier, afin de poursuivre et d’étendre son travail auprès de quelques 10 000 jeunes torontois – le projet Youth Outreach and Understanding – pour leur faire connaître et apprécier la danse», communique Mme Ouellet, relationniste principale à la Fondation Trillium.

«C’est pour des raisons financières que nous n’avons pas mis le français…»

La question qui vient à l’esprit est de savoir si les bailleurs de fonds étaient conscients que ce demandeur ne servait que les anglophones sans prendre en compte les francophones?

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Oui. «Le statut ou le mandat bilingue ou non d’un organisme demandeur n’est pas un critère qui joue dans l’octroi d’une subvention», entendons-nous du côté de Trillium. «Nous n’imposons pas l’utilisation des deux langues du Canada», confirme-t-on du côté du Conseil des Arts du Canada, par la personne de Mme Bream, directrice des Communications.

«C’est pour des raisons financières que nous n’avons pas mis le français. Nous n’avons pas assez de moyens dans notre budget», justifie Mme Drake, directrice des Communications du Ballet national du Canada. «Il s’agit de répondre, tout d’abord, à la plus grande communauté que nous avons face à nous, ici à Toronto», poursuit-elle. La communauté chinoise ferait ainsi partie de la plus importante clientèle du ballet. «Les francophones sont souvent bilingues», laisse échapper un membre du service à la clientèle du Ballet. Le chinois, comme langue seconde, répondrait davantage à des exigences de service en faveur des plus gros consommateurs et surtout à une stratégie de marché.

The National Ballet of Canada n’enfreindrait aucunement la loi et resterait parfaitement dans son droit en offrant, comme bon lui semble, le chinois ou d’autres langues, s’il le souhaite. Et pourtant… si l’on se rapporte à la Loi relative aux personnes morales de 1990 – le statut d’organisation sans but lucratif renferme The National Ballet of Canada dans la définition de ladite loi–en vertu de l’article 13, il est prévu ce qui suit: «La dénomination sociale d’une personne morale ne doit pas (…) laisser entendre que cette personne morale a un lien avec la Couronne, un membre de la famille royale, le gouvernement du Canada ou le gouvernement d’une province du Canada, ou avec tout ministère, bureau, service ou organisme ou toute division ou activité d’un tel gouvernement, sans le consentement écrit de l’autorité appropriée (…).»

Si l’on consulte la plupart des dictionnaires, on retrouve pour le mot «national», plusieurs définitions dont celles-ci: «Qui appartient à l’État; qui est géré, organisé au niveau de l’État. Qui concerne une nation dans sa totalité.» S’en suit alors une réflexion sur la définition commune du mot «national» autant, chez ceux qui légifèrent l’utilisation de ce mot, que chez ceux qui l’appliquent.

Le Commissariat aux langues officielles, pour sa part, n’estime pas que le mot «national», emprunté par The National Ballet of Canada, prête à confusion.

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Le libre marché l’emporte sur la loi

Un point sur lequel, le Commissariat aux services en français de l’Ontario, ne rejoint pas son homologue de l’échelle «nationale». Le gardien des services en français de l’Ontario va même plus loin et ouvre la voie en proposant une petite réforme intelligente dans le règlement de ces bailleurs de fonds.

«Lorsqu’elles octroient du financement à des organismes sans but lucratif, les agences du gouvernement de l’Ontario devraient inclure des clauses dans leur entente qui exigent qu’ils tiennent compte des francophones comme clientèle. Dans ce cas-ci, c’est d’ignorer que les francophones puissent s’intéresser au ballet», déclare Mme Pépin, agente des communications et des relations publiques au commissariat aux services en français de l’Ontario.

La valeur législative de la Loi sur les personnes morales ne semble pas interpeller les principaux concernés pour des raisons obscures qu’elles soient de hiérarchie, d’incompatibilité ou autres. N’est-il pas temps que les législateurs mettent sur la sellette l’utilisation «claire» des dénominations sociales par les personnes morales et la réglementation qu’elle implique?

Ce trou législatif béant est une zone d’incertitude bien apparente qui laisse liberté et libre cours à tout et n’importe «quoi» ou plutôt à n’importe «qui» d’utiliser des noms comme «national» ou «Canada» pour servir des intérêts, tantôt communautaires, tantôt commerciaux. The National Ballet of Canada est, en effet, un exemple parmi d’autres. D’ailleurs, le champ d’application de la Loi sur les services en français est clair à ce sujet. Son droit d’ingérence s’étend et se limite aux organismes ou services gouvernementaux. Ainsi, aucune loi ne réglementerait, à ce jour, le secteur privé où le libre marché l’emporte donc sur le droit.

La Loi des services en français est consultable sur le site de l’Office des affaires francophones au www.ofa.gov.on.ca

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