Témoins d’une cohabitation millénaire entre juifs et musulmans

Les Gardiens de la mémoire

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Publié 30/10/2012 par Guillaume Garcia

Le Maroc a longtemps abrité une importante communauté juive, on parle de 300 000 dans les années 1940. Aujourd’hui, on ne compte plus que 5000 juifs dans le royaume.

La montée des nationalismes et l’attrait de l’État d’Israël lors de sa création ont quasiment fait fuir, en à peine deux générations, la quasi-totalité des Juifs. Photographe canadien, né à Winnipeg d’un père juif-marocain, Aaron Vincent Elkaim a tenté depuis 2009 de comprendre et de documenter cette histoire qui a vu deux religions vivre ensemble pendant des centaines d’années sur un même territoire avant que l’histoire ne les sépare.

Sur la photo, le bleu cyan des rideaux et des portes contraste magnifiquement avec le blanc du bâtiment. Aaron Vincent Elkaim a pris cette photo dans une synagogue marocaine. Au niveau le plus local, la cohabitation existe encore, mais pour combien de temps. C’était une musulmane qui était en charge de l’organisation de la synagogue, de la cuisine.

Un respect mutuel

«Elle cuisinait kasher pour les juifs de la synagogue. Ces gens gardent l’histoire, symbolisent quelque chose. Ils respectent leurs traditions mutuelles et celles des familles», explique Aaron Vincent Elkaim, lors du vernissage, jeudi soir, de son exposition Gardiens de la mémoire, à l’Alliance française de Toronto.

C’est après avoir terminé ses études qu’il décide de partir à la recherche de ses racines. «J’y suis allé la première fois en tant que touriste. En 2009 j’y suis retourné prendre des photos, je voulais voir le reflet de mon père dans ce pays. Je voulais aussi documenter les dernières personnes qui vivent encore ici, ils représentent la coexistence entre les musulmans et les juifs. C’est une histoire puissante et un récit opposé à ce qu’on voit habituellement.»

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Symbolisant la vie méditerranéenne, l’exposition met en lumière une histoire commencée il y a plus de 2000 ans, avant même la naissance de l’Islam. Protégée au Maroc, qui par exemple n’a jamais livré à la France les listes de «juifs marocains», la population juive a cohabité avec la population musulmane, en partageant les mêmes traditions, jusqu’à la colonisation et aussi l’arrivée de missions israélites. Les juifs marocains baignaient de plus en plus dans la culture française et s’éloignaient de la tradition commune avec les musulmans, qui parlaient arabe. Actifs dans le commerce, les juifs marocains devinrent mieux éduqués et formèrent une sorte d’élite marocaine.

Un exode massif

Lors de la création de l’État d’Israël, les tensions entre juifs et musulmans se développent, alors même que les émissaires d’Israël vont chercher au Maroc des juifs pour peupler ce nouvel état. Mais que reste-t-il de la présence juive au Maroc? «Documenter l’histoire ce n’est pas facile, on veut montrer quelque chose qui n’est pas visible par nature.» Aaron Vincent Elkaim ne voulait pas montrer les synagogues, les cimetières juifs, etc. Il voulait montrer la présence de deux peuples qui se respectent en tant que Marocains et amis.

«J’ai mis l’emphase sur les gens qui gardent l’histoire. Quand je parlais du projet, les gens étaient très enthousiastes. Ils ont eu un sentiment d’abandon quand les juifs sont partis. »

Avant d’arriver au Canada dans les années 60, la famille Elkaim est passée par la France, qui était à l’époque une sorte de passage obligé et logique pour les populations de ce pays.

La famille et les amis de Aaron Vincent Elkaim sont ravis d’entendre ce bout d’histoire sur la cohabitation et le respect mutuel entre juifs et musulmans au Maroc. «Que ça existe, ça garde l’espoir», indique Aaron. «Ça veut dire que les relations entre juif et musulmans n’ont pas toujours été comme elles sont maintenant… »

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Gardiens de la mémoire, jusqu’au 20 décembre à l’Alliance française de Toronto.

Auteur

  • Guillaume Garcia

    Petit, il voulait devenir Tintin: le toupet dans le vent, les pantalons retroussés, son appareil photo en bandoulière; il ne manquait que Milou! Il est devenu journaliste, passionné de politique, de culture et de sports.

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