Témoignage contesté d’un des fils Shafia

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Publié 13/12/2011 par Allison Jones (La Presse Canadienne)

à 17h34 HNE, le 14 décembre 2011.

KINGSTON, Ont. – Après un long et pénible contre-interrogatoire au cours duquel il a été accusé de conspirer avec sa famille pour inventer des alibis, un fils de Mohammad Shafia qui ne fait pas face à la justice a demandé mercredi la permission au tribunal d’embrasser ses parents, accusés de quatre meurtres prémédités.

Un fils de la famille Shafia s’est porté cette semaine à la défense de ses proches, avant de se soumettre à plus d’une journée de contre-interrogatoire par la Couronne.

Le procureur Gerard Laarhuis a suggéré que le fils avait menti et manipulé les autorités. Le témoin, qui ne peut être identifié publiquement, pourrait mentir à la barre, et sa mémoire semble sélective pour avantager les accusés, a ajouté le procureur de la Couronne.

Témoignant pour la défense depuis lundi, son identité est sous le coup d’une ordonnance de non-publication.

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Selon l’accusation, il existerait des différences entre la version qu’il avait donnée aux policiers et celle qu’il a racontée au tribunal.

Le procureur de la Couronne a refusé de lui permettre d’embrasser les accusés après son témoignage, faisant éclater en sanglots sa mère. Il ne les avait pas vus depuis leur arrestation en juillet 2009.

Tooba Yahya, son époux Mohammad Shafia et leur fils aîné Hamed, âgés de 42, 58 et 20 ans, sont accusés de quatre chefs de meurtres prémédités. La Couronne les accuse d’avoir tué les soeurs Shafia — Zainab, Sahar et Geeti, âgées de 19, 17 et 13 ans — ainsi que la première épouse du polygame Mohammad Shafia, Rona Amir Mohammad, qui vivait toujours avec la famille.

Les accusés ont déclaré aux policiers que la nuit où les femmes Shafia sont mortes, l’aînée était venue leur demander les clés de la voiture dans leur chambre de motel.

La Couronne croit que les quatre victimes ont été tuées avant que la famille ne réserve les chambres du motel, et que les accusés ont inventé cette histoire de clés de voiture pour que les autorités croient que les adolescentes et leur belle-mère étaient encore en vie au motel. Les accusés affirment qu’elles sont mortes plus tard dans un accident de la circulation alors qu’elles faisaient une promenade en voiture.

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Les corps des victimes ont été retrouvés le 30 juin 2009 dans une voiture qui avait plongé dans une écluse de Kingston. Les Shafia, qui habitent Saint-Léonard, à Montréal, rentraient d’un voyage à Niagara Falls, en Ontario.

Les meurtres des femmes Shafia seraient des «crimes d’honneur», selon la Couronne. Les accusés ont tous plaidé non coupable.

Patenaires d’affaires

Mercredi après-midi, deux partenaires d’affaires de Mohammad Shafia ont affirmé au tribunal que leur collègue était un homme honnête et respecté dans son milieu.

Il s’agissait des deux derniers témoins appelés à la barre par l’avocat de M. Shafia, et des derniers témoins de cette année. Le procès reprendra le 9 janvier prochain, avec les témoins de l’avocat de la deuxième femme de M. Shafia, Tooba Yahya, la mère des adolescentes mortes en juin 2009.

Le juge Robert Maranger a par ailleurs rappelé aux jurés d’ignorer les journaux, les nouvelles télévisées, la radio ainsi que les médias sociaux. La période des Fêtes est propice aux échanges, a-t-il ajouté, et des proches pourraient vouloir discuter du dossier avec eux. Les jurés ne doivent toutefois pas céder, a affirmé le juge.

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Étranges retrouvailles

Lundi, d’étranges retrouvailles avaient marqué le procès pour meurtres des Shafia lorsque leur fils était venu prendre la défense des trois accusés.

La mère, Tooba Yahya, dont c’était le 42e anniversaire de naissance lundi, a pleuré à plusieurs reprises pendant qu’un fils qu’elle n’avait pas vu depuis plus de deux ans a témoigné au procès, qui en est à sa huitième semaine.

En matinée, les membres du jury ont visionné la vidéo d’un interrogatoire policier du jeune homme mené quelques heures avant que ses parents et son frère ne soient arrêtés en juillet 2009.

Durant cet interrogatoire, il déclare à l’enquêteur que sa famille n’aurait jamais tué ses soeurs et la première femme de son père — qu’il appelle sa tante — parce qu’il faut être «malade» pour tuer quelqu’un. De plus, ajoute-t-il, c’est lui qui se disputait le plus souvent avec ses parents.

«Alors pourquoi pas moi? C’est la deuxième chose qui m’est venue à l’esprit», a-t-il lancé.

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Le frère a aussi livré sa version des faits quant à un élément de preuve compromettant présenté au tribunal.

Le 29 juin 2009, soit dix jours seulement avant les meurtres, quelqu’un s’était servi de l’ordinateur familial pour effectuer une recherche sur le Web sur «l’endroit où commettre un meurtre».

Le témoin a affirmé qu’il était suicidaire et que bien qu’il ne se rappelle pas avoir lui-même tapé ces mots, il est possible que ce fut le cas, parce qu’il ignorait le mot pour désigner l’acte du suicide.

«Je n’étais pas familier avec le mot suicide ou suicidaire, et j’ai en quelque sorte pensé que le mot meurtre avait la même signification», a-t-il plaidé.

Dans l’ensemble, ce qu’il dit à l’enquêteur au sujet du voyage familial à Niagara Falls, qui s’est soldé par la mort de ses soeurs, recoupe les témoignages de ses parents et de son frère à la police.

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Mais il affirme qu’il n’était jamais allé à Kingston Mills, les écluses où les corps de ses soeurs et de sa «tante» ont été retrouvés. Or, la semaine dernière, le père a témoigné que la famille s’était bel et bien arrêtée à cet endroit en trois occasions pour utiliser les toilettes lors de sorties familiales — notamment lors du périple vers Niagara Falls, quelques jours avant les décès.

Le fils a également déclaré que Hamed aidait son père au travail, ce que Shafia a nié la semaine dernière lors de son témoignage.

Il a aussi livré des détails contradictoires sur un incident évoqué la semaine dernière par le père Shafia, lors duquel trois des enfants sont rentrés tard à la maison, un soir, après une sortie dans un centre commercial.

Le fils a affirmé que son père l’avait frappé quatre ou cinq fois, et deux de ses soeurs une ou deux fois chacune. Shafia disait la semaine dernière qu’il n’y avait eu que deux gifles en tout.

Par ailleurs, le fils a indiqué lundi au tribunal que ce n’était pas la première fois que son père ou son frère Hamed corrigeait physiquement ses soeurs ou lui-même.

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Il a toutefois revenu sur ces dernières déclarations pendant son témoignage, reniant également le scepticisme dont il avait d’abord fait preuve pendant l’entrevue quant au fait que Rona Mohammad aurait pu sauter dans une voiture avec les trois soeurs Shafia, à 2 h du matin, pour une promenade de plaisance qui aurait connu une fin tragique. C’est la version de l’histoire qu’avait livrée la famille aux policiers pour expliquer comment le véhicule avait pu se retrouver au fond d’un canal.

La famille a souvent nié que Rona Mohammad soit l’épouse du père Shafia, la désignant plutôt comme une cousine ou une tante, mais Mohammad Shafia a admis leur relation la semaine dernière. Il a épousé en seconde noces Tooba Yahya parce que sa première femme ne pouvait avoir d’enfants.

Le fils a déclaré en cour qu’il éprouvait les mêmes sentiments à l’égard de Rona Mohammad qu’envers sa mère.

«Rona était pratiquement comme une deuxième mère pour nous tous», a-t-il expliqué, ajoutant qu’elle était très heureuse à la maison.

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