Taiwan, l’autre Chine

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Publié 01/04/2008 par Benoit Legault

Si Taiwan était un jus, on pourrait lire sur son étiquette: concentré de Chine ancienne à 100 %. Nulle part ailleurs vous ne trouverez l’histoire et la culture chinoise exposées aussi clairement.

Les Taiwanais se voient comme les gardiens de la culture chinoise authentique. Leur argument massue est le plus prestigieux musée d’art chinois au monde, le Musée national du palais, centré sur 6 500 objets d’art extirpés du palais impérial de la Cité interdite par les troupes de Tchang Kaï-chek (le grand opposant de Mao Zedong) en marge de la révolution communiste des années 1940.

En clair, plusieurs des plus grandes œuvres de l’art chinois antique ne sont pas en Chine populaire mais à Taiwan, la République de Chine!

Le Musée national du palais est la plus forte attraction touristique de Taiwan. Pourtant, beaucoup d’occidentaux en repartent déçus. Les objets d’art y sont petits et subtils. On y trouve beaucoup de ces sculptures miniatures qui ravissaient les empereurs et des casse-tête de céramique et de jade qui sont des merveilles d’ingéniosité. Mais cet art chinois miniaturisé se révèle souvent un plaisir d’initiés.

Néanmoins, certains objets demeurent gravés dans tous les esprits, comme ce chou blanc et vert, taillé en suivant les teintes naturelles d’une pierre de jade blanche et verte. Il y a aussi un tableau du XIIIe siècle montrant un chat bondissant de surprise, prenant une pose introuvable dans l’art occidental.

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Courir les marchés

Six des 23 millions d’habitants du pays habitent Taipei. Cette capitale n’est pas très jolie. Elle charme plutôt par sa gentillesse et sa vie. Habitués aux occidentaux, les Taiwanais sont affables et fiers – personne ne quémande ou ne harcèle pour vendre quoi que ce soit.

Les marchés de nuit de Taipei sont féeriques et gais. Et ce sont des lieux de rassemblement extraordinaires. Familles, couples et amis s’y retrouvent pour bien manger «bon marché». La spécialité est l’omelette aux huîtres, un plat doux et délicat.

La gastronomie de Taiwan est peut-être la plus intéressante du monde chinois. Pourquoi? En 1948-49, quand les fidèles de Tchang Kaï-chek fuient la Chine de Mao et se réfugient à Taiwan, ils amènent avec eux une forte proportion des meilleurs chefs des toutes les provinces de la Chine.

Il en résulte une délicieuse compétition entre les chefs pour s’assurer les clientèles huppées de Taipei. Rivalisant d’ingéniosité et de virtuosité, les chefs exilés à Taipei ont créé une nouvelle gastronomie, tirée de la fusion des meilleures cuisines chinoises.

Et ils ont profité des largesses alimentaires d’une île au climat semi-tropical (similaire à celui de la Floride) où tout pousse, s’élève et se pêche.

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Le grand paradoxe taiwanais

Le grand, très grand, immense paradoxe de ce Taiwan «concentré de Chine», est que la longue histoire de cette île n’est pas très axée sur la Chine. En effet, les autochtones de l’île formaient la population de langue polynésienne la plus «nordique» du Pacifique. Leurs us et coutumes étaient liés à ceux des autochtones des Philippines et des autres îles du Pacifique sud. À la grande époque ancienne, ce qui est devenu Taiwan ne faisait même pas partie de l’Empire du Milieu.

Les Hans, peuple dominant de la Chine, n’ont commencé à prendre pied sur Taiwan qu’au XVIIe siècle. Au XIXe siècle, la colonisation chinoise de ce qu’on nommait Formose a été interrompue par l’invasion des Japonais. La colonisation nipponne a duré jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Elle a laissé des traces profondes et assez positives. Les Japonais ont bâti des infrastructures utiles et ils ont amélioré la qualité de vie des insulaires, sans infliger les même brutalités qu’en Chine continentale.

Les Taiwanais sont donc dépositaires de la culture de l’Empire du Milieu, tout en ayant une identité nationale forte et cadrée hors de la Chine.

Et l’identité actuelle de Taiwan se forge sur l’enclume de l’abandon et de la frustration. «Depuis que le monde reconnaît la Chine communiste, Taiwan et sa population sont laissés à eux-mêmes. Nous devons notre prospérité à notre travail acharné et à notre fierté», estime mon guide, un ancien journaliste de 50 ans qui devient très animé dès qu’il parle de la question nationale de Taiwan.

Le peuple taiwanais veut désespérément se voir reconnu par le reste du monde qui l’a délaissé pour ne pas se mettre à dos la Chine de Mao.

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Si on écoute la radio taiwanaise de langue anglaise (icrt.com.tw), on entend constamment des manchettes sur les tentatives faites pour que la République de Chine soit reconnue aux Nations unies et au sein des autres grands organismes internationaux. Les questions liées à «la réunification et l’indépendance nationale» font l’objet de débats permanents!

Accro de Taiwan

Je demande finalement à mon guide quinquagénaire s’il finira par devenir un citoyen de la République populaire de Chine: «Pas moi, je vais mourir taiwanais et j’en suis fier. Par contre, mes enfants deviendront probablement des Chinois ayant Beijing comme capitale. Ils n’auront sans doute pas le choix. On verra bien.» Aujourd’hui, le Made in Taiwan est nettement plus cher que le Made in China.

Les fameux et nombreux produits de l’industrie informatique taiwanaise, comme les ordinateurs de marque Acer, sont souvent fabriqués en Chine. L’intégration au rouleau compresseur économique du gros voisin semble inévitable pour esquiver une dégringolade, déjà amorcée, du niveau de vie national.

Malgré sa forte concentration industrielle, Taiwan présente certaines des plus grandes beautés naturelles d’Asie, comme les gorges Taroko sur la côte Est. Taiwan est un pays de montagnes et de mer où les possibilités de randonnée sont illimitées. Immensément exotique, et différente de tout l’Occident, mais facile à naviguer et très variée, Taiwan est une de ces destinations qui rendent accro à l’autre bout du monde, et à l’autre bout de soi.

Le voyage de notre journaliste a été rendu possible par la collaboration de Tourism Taiwan (go2taiwan.net) et de Eva Air (evaair.com).

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Suite et fin la semaine prochaine.

Auteur

  • Benoit Legault

    Journaliste touristique basé à Montréal. Collaborateur régulier au Devoir et à l-express.ca. Responsable de la rédaction de guides Ulysse. Benoit Legault a remporté plusieurs prix de rédaction touristique. Il adore l'Ontario et ses Grands Lacs.

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