Il y en a quelques-uns, parmi les mélomanes torontois, qui ont dû être surpris de constater que la prochaine série de concerts de leur orchestre baroque préféré, Tafelmusik, n’aurait pas lieu dans l’enceinte familière de l’ancienne église Trinity St. Paul, mais bien à Koerner Hall, notre plus nouvelle – et plus somptueuse – salle de concert.
Si ce déménagement, même provisoire, est motivé par des considérations pratiques (accueillir plus de musiciens et de choristes sur scène – et plus de spectateurs dans la salle!), il convient d’y voir aussi un passage symbolique: en effet, c’est avec la Neuvième, complétée en 1824, que Beethoven annonça catégoriquement que le XIXe siècle était arrivé. Après s’être imposé comme le prolongement logique de Mozart et Haydn, il ouvrait la voie aux grandeurs de Brahms et du Romantisme. Une pareille révolution, pour s’épanouir, ne pouvait s’accomoder d’un espace exigu!
La Neuvième tant attendue de Tafelmusik marque aussi la culmination d’un travail entamé par l’orchestre il y a plus de douze ans. Bien sûr, il ne s’agit pas de la première fois qu’un orchestre baroque s’attaque à Beethoven, mais pour le public torontois, plus habitué aux versions du TSO, l’approche de Tafelmusik a fait l’effet d’une révélation.
Les symphonies de Beethoven sont jalonnées de moments charnières: la Troisième annonçait la fusion du langage musical et des discours littéraire et pictural; la Septième et son déchirant Alegretto explorait un espace émotionnel jusque là insondé.
Pourtant, c’est avec la Neuvième que Beethoven marquait irrévocablement l’indépendance de l’Artiste face aux contraintes et aux conventions de son temps.