Amenez les moutons!
Amenez les moutons!
(Sur l’air de À Ménilmontant!)
Mouton! Mouton me fait toujours penser a un mémorable après-midi, un dimanche, juste après la guerre, à l’unique cinéma de Nanterre, banlieue ouvrière de Paris.
En ce temps-là, il y avait en première partie les actualités de la semaine et un documentaire. Puis un entracte pendant lequel les placeuses vendaient des friandises, sur le même air: «Bonbons! Pastilles de menthe, caramel, chocolats glacés»! Apparaissait alors un amuseur qui allait raconter quelques blagues et pousser deux ou trois airs populaires. La salle les reprendrait en chœur.
Ce jour-là, après Nini Peau de chien et Le petit vin blanc, le chanteur s’adresse à son public – presque uniquement des Maghrébins pas encore très forts en français – et demande de proposer un titre pour la prochaine romance. La salle toute entière scande d’une seule et puissante voix: «Les moutons! Les Moutons! Les Moutons!»
Le chansonnier, interloqué, avoue:
– Celle-là, j’la connaît pas!
– Mais si, mais si ti la sais bien! Et la foule entonne: «Am’nez les moutons, am’nez les moutons!», sur l’air de À Ménilmontant!