Sport : il est possible de trop s’hydrater

Pas besoin de dépasser sa soif
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Publié 27/09/2017 par Ève Beaudin

Ces dernières années, on a mis beaucoup d’emphase sur l’importance de bien s’hydrater quand on fait du sport: boire avant de ressentir la soif, boire le plus possible…

Or, ces préceptes négligent le fait qu’il est possible de trop s’hydrater. À chaque marathon ou événement sportif, des gens par ailleurs actifs et en bonne santé, sont malades d’avoir trop bu.

C’est pourquoi les spécialistes en médecine sportive et les organisateurs de défis sportifs — comme les marathons et les Ironman — redoublent d’efforts pour sensibiliser les participants à l’importance de boire assez, mais pas trop.

De l’hydratation à l’hyperhydratation

Comme un effort physique intense de longue durée peut entraîner la transpiration excessive, on a donc mis l’emphase sur l’importance de boire suffisamment pour éviter les cas de déshydratation chez ces athlètes d’endurance.

«Dans les années 1990, l’American College of Sport Medicine recommandait aux athlètes de boire le maximum possible et l’armée américaine allait jusqu’à encourager ses troupes à boire 1,8 litre d’eau par heure lorsque la température dépassait les 30 degrés Celsius», se rappelle le Dr Marc Gosselin, urgentologue spécialisé en médecine sportive et directeur médical de l’Ironman Mont-Tremblant depuis six ans.

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«À cette époque, les dangers de l’hyperhydratation étaient méconnus. On sait maintenant que ces recommandations sont exagérées et peuvent s’avérer dangereuses: l’hyperhydratation peut entraîner l’hyponatrémie, une condition médicale pouvant conduire à divers troubles physiologiques, au coma, voire à des décès.

Selon le médecin, qui donne des conférences à ce sujet, les directives de l’armée américaine auraient entraîné 125 hospitalisations et au moins 6 décès reliés à l’hyperhydratation entre 1990 et 1996.

Marathoniens à risque

Des marathoniens sont aussi décédés d’hyponatrémie: un premier lors du marathon de la Vallée des Géants en Californie en 1993, puis Kelly Barrett au marathon de Chicago en 1998 et Cynthia Lucero en 2002 à Boston. En 2007, un jeune homme de 22 ans est mort d’hyperhydratation au marathon de Londres.

Une étude publiée en 2005 dans le New England Journal of Medicine a déterminé que près d’un sixième des participants à un marathon développe une hyponatrémie à des degrés divers. Ce seraient les marathoniens plus lents, qui transpirent peu et qui boivent beaucoup d’eau qui seraient les plus à risque.

L’hyponatrémie fait aussi des victimes dans d’autres disciplines. Par exemple, il y a trois ans, un jeune footballeur américain est décédé en Georgie après avoir bu 15 litres d’eau et de boisson sportive en un court laps de temps suite aux encouragements de son coach qui pensait bien faire.

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«On a tellement insisté sur l’hydratation qu’on encourage maintenant les gens à boire au maximum avant, pendant et après le sport. Tu as des crampes? Bois plus d’eau! Fatigué? Bois plus d’eau! Le message est aussi repris par ceux qui vendent des boissons sportives. Ce qui fait qu’en un court laps de temps, des sportifs peuvent boire 4-5-6 litres de liquides ou plus. Ça peut être très dangereux!», souligne le Dr Gosselin qui doit à chaque Ironman traiter des personnes qui ont trop bu et parfois même les hospitaliser pendant plusieurs jours.

Taux de sodium trop bas

Le terme hyponatrémie fait référence à un bas niveau de sodium dans le sang. Quand on boit de l’eau en excès dans un court laps de temps, les reins n’ont pas le temps d’évacuer l’eau et le niveau de sodium sanguin baisse rapidement.

«L’effet est empiré lors d’un effort physique prolongé, car le corps produit une hormone antidiurétique qui lui fait retenir encore plus l’eau», explique le Dr Gosselin. «C’est ce qu’on appelle l’hyponatrémie liée à l’entraînement.»

Alors qu’en temps normal, les reins peuvent éliminer entre 800 et 1000 ml par heure, dans une situation de marathon, l’hormone antidiurétique pourrait réduire l’excrétion d’urine jusqu’à 100 ml par heure, peut-on lire dans le journal Scientific American. Ainsi, même en suant abondamment, une personne qui boit trop d’eau aura un gain net d’eau dans le corps.

L’hyponatrémie liée à l’entraînement peut survenir pendant l’activité sportive ou jusqu’à 24 heures après une épreuve d’endurance. La chute rapide du niveau de sodium dans le sang peut provoquer des nausées, des malaises, des maux de tête, des vomissements et, dans les cas les plus sévères, des convulsions, le coma et même un arrêt respiratoire.

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«Il faut traiter ces personnes en leur donnant rapidement un salin hypertonique, un fort concentré de sodium. Mais le mieux reste la prévention», indique le Dr Gosselin.

Boire en modération

L’hyponatrémie liée à l’entraînement étant maintenant mieux connue, les recommandations d’apports en fluides destinées autant aux athlètes de haut niveau qu’aux sportifs du dimanche ont été revues ces dernières années.

Par exemple, l’Association internationale des directeurs médicaux de marathon (International Marathon Medical Directors Association ou IMMDA) recommande aux coureurs de viser une consommation ad lib de fluides entre 400-800 ml par heure. La plus grande quantité étant destinée aux coureurs rapides qui compétitionnent dans un environnement chaud, et la plus petite dose à ceux qui marchent ou qui courent lentement dans des conditions plus fraîches.

Pour sa part, le Dr Gosselin invite les sportifs à se fier à leur soif. «À moins d’avoir une condition médicale particulière, la soif est un mécanisme fiable pour nous indiquer quand on devrait boire ou non.» Il fait référence à une déclaration signée en 2015 par les sommités internationales en la matière, qui recommande aux sportifs de suivre leur soif.

Par ailleurs, l’IMMDA préconise la consommation de boissons sportives additionnées d’électrolytes lors des épreuves de 10 km ou plus ou qui durent plus de 1 h 30. «Attention de ne pas en boire en excès, prévient cependant le Dr Gosselin, cela aussi peut mener à de l’hyponatrémie.»

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Le spécialiste du sport rappelle enfin l’importance d’un entraînement adéquat afin d’habituer le corps à l’épreuve sportive, ainsi qu’aux conditions climatiques le jour de l’événement. «Les épreuves d’endurance sont stressantes pour le corps et tout le monde réagit différemment. Plus on connaît son propre corps, mieux on est à même de bien mesurer la quantité de fluides qu’on doit consommer dans une situation particulière.»

Auteur

  • Ève Beaudin

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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