Simplicité volontaire: de l’avoir à l’être

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Publié 15/01/2008 par Aline Noguès

«Pour calmer tes envies de hold-uper la caissière, tu lis des livres qui parlent… de simplicité volontaire…» Ce passage de la célèbre chanson Dégénérations du groupe Mes Aïeux évoque un sujet fort à la mode en ces temps de surconsommation: la simplicité volontaire. Vous ignorez de quoi il s’agit ou bien vous souriez en entendant parler de ses adeptes?

En ces lendemains de fêtes et de fièvre acheteuse, Diane Gariépy et Alain Lavallée, du Réseau québécois de la simplicité volontaire (RQSV), font le point avec L’Express sur un mode de vie moins vorace en ressources naturelles, en temps, en argent… Bref, un mode de vie jugé plus sain!

Diane Gariépy est coordonnatrice du bulletin Simpli-cité, publié par le RQSV et est active dans le réseau depuis ses débuts. Alain Lavallée est coordonnateur du RQSV.

Qu’est ce que la simplicité volontaire? Qu’est ce qu’elle n’est pas?

Diane Gariépy: C’est le fruit d’une réflexion sur l’art de vivre. C’est vaste car cela concerne toutes les dimensions de la vie. Cela part d’un non à la société de consommation pour s’orienter ensuite vers une réflexion plus large sur cette question: «qu’est ce qui rend heureux?».

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Alain Lavallée: Dans la simplicité volontaire, nous sommes proches aussi des causes environnementalistes. Mais c’est avant tout une philosophie de la vie, davantage basée sur l’être que sur l’avoir, et qui va vers une recherche d’équilibre. Dans notre société, beaucoup de choses sont basées sur l’avoir: Combien tu gagnes? Elle est grosse ta maison? L’essentiel n’est pas là. Mais attention, nous ne faisons pas non plus la promotion de la pauvreté!

D.G.: Bien sûr, ce n’est pas une course à qui posséderait le moins possible! Certains groupes communautaires nous regardent aller un peu croche en disant: «Ces gens-là vont se mettre à dire aux pauvres qu’ils sont bien dans leur pauvreté.» Ce n’est pas ça! Il faut vraiment faire la différence entre les désirs et les besoins (se loger, nourrir sa famille).

À qui la simplicité volontaire s’adresse-t-elle?

D.G.: Au début, je pensais que c’était une réflexion pour la classe moyenne mais je constate de plus en plus que cela peut intéresser des gens ayant un petit budget. Parce que notre système de consommation n’exploite pas seulement les riches mais aussi ceux qui n’ont pas d’argent. Il y a toujours moyen de se faire prendre ses avoirs quand on a rien: c’est de se faire endetter. On peut toujours être accroché à la consommation, vouloir avoir plus plus plus et se noyer là dedans même quand on n’a pas une cenne! Notre plate-forme a de quoi intéresser tous les citoyens, qu’ils soient très fortunés ou qu’ils aient peu d’argent.

Que répondez-vous à vos détracteurs? À ceux qui vont considèrent idéalistes?

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D.G.: Lorsque l’on parle de remise en question de la croissance, il s’agit de la croissance des biens matériels, on pourrait continuer à échanger des services. Et puis, on a déjà vécu autrement qu’avec le libéralisme et la course folle à l’enrichissement, alors je pense que l’on pourrait concevoir un monde autre que celui dans lequel on vit actuellement.

Vous remettez aussi en cause le travail. Pourquoi?

D.G.: Il s’agit de ne pas se donner un niveau de vie tel que l’on s’étrangle. Qu’un médecin, un spécialiste… décide de travailler très fort car il aime cela et veut rendre service à la société, s’il est bon et que cela ne le rend pas malade, parfait! Ce qui est aberrant c’est lorsqu’on perd sa vie à la gagner, lorsqu’on se retrouve obligé de travailler comme un robot pour suivre un niveau de vie trop élevé.

Par quel cheminement arrive-t-on à la simplicité volontaire?

A.L.: Cela peut venir d’un sentiment de rejet face à notre société d’ abondance basée beaucoup sur la cupidité. Et puis, on se rend compte aussi que l’on devient esclaves de nos objets et qu’ils ne nous apportent pas tant que cela.

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D.G.: Il n’y a pas un avant puis un après, une illumination, ce n’est pas toujours le gars qui tombe en bas de son cheval! La simplicité volontaire, c’est un processus très graduel. Cela peut venir de ce que l’on observe autour de soi ou d’une maladie, d’une dépression qui feront que l’on se dira «je me recycle, plutôt que d’essayer de me payer une maison qui n’est pas dans mes moyens, je vais la vendre, je vais vivre plus petit et m’arranger pour avoir du temps.»

Ensuite, il y a plusieurs portes d’entrée à la simplicité volontaire. Cela peut être la question de la santé quand on se rend compte qu’on est trop stressés par notre travail. Cela peut aussi être la question de la réalisation de soi, celle de la récupération du temps pour élever sa famille, la question de l’environnement… Tout cela se conjugue pour faire en sorte que l’on ait le goût de vivre un peu plus simplement. Après, on peut s’en aller militer ou l’on veut, choisir l’approche qui nous convient le mieux.

Concrètement, comment vit-on la simplicité volontaire?

A.L.: Je n’ai pas d’auto, j’en loue à l’occasion à une entreprise d’autopartage ou j’utilise le vélo. Côté alimentation, j’achète dans de petites entreprises ou, au marché, directement d’un petit producteur. On peut aussi faire partie de groupes de troc ou récupérer ce que l’on trouve sur les trottoirs au moment des déménagements. Par contre, je ne vais pas à reculons dans les magasins! Si j’ai vraiment besoin de quelque chose, j’y vais. Il ne faut pas se sentir coupable car on a regardé la télévision ou utilisé une auto, il faut se sentir bien dans ce qu’on fait.

Qu’est ce qui est le plus difficile lorsque l’on décide de se mettre à la simplicité volontaire?

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D.G.: Certains s’approprient le concept mais ne savent pas comment commencer. Il faut déjà réapprendre à être seul, à éteindre la télévision, rentrer en dedans de soi et se demander: «Qu’est ce que je voulais faire à 20 ans? C’était quoi mon objectif de vie?»

L’autre difficulté, ce n’est pas qu’on est embourgeoisés et qu’on aime le confort, mais c’est le regard des autres. Pour cela, je pense que lorsqu’on veut vraiment changer, sans renier notre famille et nos amis, il faut se coller avec des gens qui nous inspirent dans ce vers quoi on veut aller.

Que gagne-t-on à vivre ainsi?

A.L.: Moi je suis dans un cheminement et je me sens de mieux en mieux. J’ai des relations plus enrichissantes, pas financièrement mais spirituellement, relationnellement. Je me sens plus heureux en vivant de cette façon-là.

D.G.: Dans une philosophie, il s’agit d’apprendre la sagesse et la sagesse, ça entre à dose homéopathique! Alors des fois, oui, je me sens sur une bonne piste. Ce que je goûte le plus, c’est peut-être le moment présent.

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Car essayer de ne pas etre stimulé par l’extérieur qui pousse aux achats compulsifs cela libère du temps. Je prends le temps de réfléchir, observer ce qui m’entoure. J’écris beaucoup aussi et c’est pour moi un grand bonheur car en écrivant, j’ai l’impression d’avoir deux vies. Et je pense que ce n’est pas étranger à la simplicité volontaire.

A.L.: Cela me fait penser au philosophe Blaise Pascal qui disait que «tout le malheur des hommes vient de ne pas savoir se tenir en repos dans une chambre». Les humains ont de la misère à aller à la rencontre d’eux-mêmes. Mais choisir la simplicité volontaire, c’est cela: vivre l’instant présent, éviter la fuite en avant, pouvoir sentir le temps passer, sortir du divertissement, pour, au bout du compte, se retrouver soi-même.

Simplicité volontaire et décroissance, au Canada et ailleurs

Au Québec, c’est Serge Mongeau qui le premier publie en 1985 un livre sur la simplicité volontaire. Celui-ci reçoit d’abord peu d’écho avant d’être réédité en 1998 sous le titre La simplicité volontaire plus que jamais…

Appelé à faire des conférences, il constate un intérêt croissant pour le sujet et, de rencontre en rencontre, le RQSV fait finalement son nid pour voir le jour, officiellement, en 2003.

Le RQSV s’est impliqué en novembre dernier dans la promotion de la journée sans achat au Québec. Le réseau organisera au printemps prochain un colloque pour fêter ses 5 ans d’existence. Ouverte au public, cette rencontre se tiendra à Montréal et aura pour thème «le temps». Le RQSV compte aujourd’hui 330 membres dont une poignée vit en Ontario (région d’Ottawa) mais il ne semble pas exister de telles organisations dans le reste du Canada, à l’exception d’un groupe formé autour de Marc Burch à Winnipeg.

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En Europe, on ne parle guère de simplicité volontaire. Si au Québec l’accent est mis sur les initiatives individuelles (comment améliorer sa qualité de vie), en France, c’est davantage une approche collective ou institutionnelle qui est développée avec le thème de la décroissance, c’est-à-dire la remise en question du «dogme» de la recherche effrénée de la croissance économique (cf. le site www.decroissance.org.)

Le premier numéro de 2008 de Courrier international porte d’ailleurs sur ce thème. Un des slogans des adeptes de la décroissance est cette phrase de Gandhi: «Vivre simplement pour que d’autres, simplement, puissent vivre».

Quelques mesures non exhaustives pour faire de la simplicité volontaire

La simplicité volontaire est un mode de vie qui se caractérise par une approche différente de la consommation, de l’alimentation, du travail, de la gestion de son argent, de son temps. Sans oublier les préoccupations environnementales. Seul mot d’ordre: simplifiez-vous la vie!

– Argent: être fourmi plutôt que cigale, mieux gérer son budget.

– Communauté: pratiquer le covoiturage, l’échange de services…

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– Consommation: se contenter du nécessaire, récupérer plutôt qu’acheter du neuf.

– Environnement: manger bio, éviter tout gaspillage des ressources naturelles.

– Temps: mieux l’organiser pour la famille, les loisirs… pour ce qui compte vraiment.

– Transport: éviter la voiture et utiliser les transports en commun, le vélo.

– Travail: travailler moins pour gagner en qualité de vie.

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Pour une description plus complète, consulter le site du RQSV au http://www.simplicitevolontaire.org, notamment sa rubrique L’abc.

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