Signer son testament en français ou en anglais?

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Publié 27/09/2011 par Gérard Lévesque

En Ontario, combien faut-il de francophones pour que le tribunal d’une région accepte de tenir en français un procès criminel? Un seul.


En effet, depuis 1979, tout accusé a droit à un procès en français.


Combien faut-il de francophones dans une région pour qu’un document rédigé en français puisse être déposé par une partie avant l’audience dans une instance devant la Cour de la famille de la Cour supérieure de justice, la Cour de justice de l’Ontario ou la Cour des petites créances? Un seul. La Loi sur les tribunaux judiciaires de notre province confirme qu’il s’agit là d’un droit reconnu sur l’ensemble du territoire ontarien.


Et, maintenant, combien faut-il de francophones pour que la Cour des successions d’une région accepte le dépôt d’un testament rédigé en français?


On pourrait penser que la réponse est encore un seul: qu’il suffirait que le testateur ait signé son testament en français. Mais non, il faut la présence de 5000 francophones dans le secteur de cette Cour des successions afin d’être autorisé à y déposer le testament en français (ou que les francophones représente 10 % de la population de ce secteur).


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Autrement dit, il faut que ce secteur soit une des vingt-trois régions désignées bilingues sous la Loi sur les tribunaux judiciaires.


Si ce n’est pas le cas, le testament rédigé en français va être accepté seulement s’il est accompagné d’une traduction en langue anglaise certifiée conforme par un affidavit du traducteur… payé par les héritiers du testateur qui a ainsi osé transmettre dans sa langue maternelle ses dernières volontés.


L’obligation de traduire dans une langue officielle un document rédigé dans une autre langue est habituellement réservée aux langues étrangères. Comme les langues officielles des tribunaux de l’Ontario sont le français et l’anglais, il n’est pas normal que le français soit ainsi traité comme une langue étrangère.


En raison de leur statut juridique en Ontario, l’anglais et le français ne peuvent pas être considérés au même niveau que d’autres langues.


Il y a donc lieu de modifier le régime s’appliquant aux testaments pour faire en sorte que, sur l’ensemble du territoire ontarien, un testament rédigé en français soit accepté au même titre qu’un testament rédigé en anglais et que l’exigence de la traduction ne s’applique dorénavant qu’aux autres langues. À la suite de l’élection provinciale du 6 octobre prochain, la personne à qui sera confiée la responsabilité du ministère du Procureur général devrait voir à ce changement qui bénéficierait aux petites communautés francophones, comme celle de Sarnia, qui ne font pas partie d’une région désignée bilingue.


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Une telle démarche serait aussi conforme à la règle de la meilleure preuve car, en plus d’être une question de simple prudence, c’est un principe établi de longue date que la preuve doit être la meilleure possible vu la nature de l’affaire et qu’il faut exclure toute preuve moins bonne. Assurément, une traduction n’a pas la même valeur juridique que le document original.


En attendant que notre province reconnaisse sur l’ensemble du territoire ontarien le testament rédigé en français, les francophones établis dans des communautés ne faisant pas partie des régions désignées devraient-ils faire rédiger en anglais leur testament? Cela serait appuyer les gens qui sont contre les services en français et qui affirment qu’il n’y a pas de demande pour de tels services.


De plus, on n’est jamais assuré de terminer notre vie dans la région où on a signé notre testament. Les Canadiens exercent de plus en plus leur droit constitutionnel à la mobilité. Un francophone qui décèderait au Manitoba, au Nouveau-Brunswick, au Québec ou dans une région désignée bilingue de l’Ontario alors que son testament est en anglais contribuerait à la force assimilatrice de la langue dominante en Amérique du Nord plutôt que de participer à l’épanouissement de la francophonie. Mon avis: il vaut mieux signer un testament dans sa langue et faire les pressions nécessaires au changement.


À l’instar d’autres autorités législatives, notre province se doit d’évoluer linguistiquement. Le Royaume-Uni est un État indépendant d’Europe du Nord créé en 1801, composé de la Grande-Bretagne (Angleterre, Écosse et Pays de Galles) et de l’Irlande du Nord.


En matière de testaments et successions, l’Ontario ne peut pas être plus britannique que le Royaume-Uni qui, au pays de Galles, autorise, notamment en matière de testament, l’utilisation d’une langue autre que l’anglais.


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Plus pour de renseignements: Les 23 régions désignées sous la Loi sur les tribunaux judiciaires

Auteur

  • Gérard Lévesque

    Avocat et notaire depuis 1988, ex-directeur général de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Souvent impliqué dans des causes portant sur les droits linguistiques. Correspondant de l-express.ca, votre destination pour profiter au maximum de Toronto.

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