SIDA: «Je suis un miraculé de la vie»

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Publié 15/08/2006 par Yann Buxeda

Alors que débute ces jours-ci le XVIe Congrès international sur le sida, la Ville-Reine vibre plus que jamais au diapason du ruban rouge.

Comme un tabou qui tombe, le sida semble être subitement devenu le point de ralliement des communautés torontoises. Les barrières linguistiques ou sexuelles relevées, tous enfourchent le même cheval de bataille, à l’assaut d’un ennemi qui n’est jamais apparu si proche.

Léonard Desmarais est séropositif depuis maintenant 17 ans. Actif depuis des années pour lutter contre le sida, il veut croire que cette opportunité saura rapprocher définitivement les communautés atteintes autour d’un dénominateur commun: l’éradication du sida. Portrait.

Soixante kilomètres à pied autour de Toronto, c’est le dernier défi de Léonard Desmarais… Comme de nombreux séropositifs, il a participé ce week-end au Toronto AIDSTrek 2006, un parcours de 60 kilomètres dans Toronto et sa banlieue organisé pour lever des fonds pour recherche contre le sida. Et qu’on ne lui parle pas de folie. À 42 ans, Léonard affirme se sentir «plus en vie que jamais».

Un bel exemple pour de nombreux séropositifs, mais une philosophie qui n’a pas toujours été évidente à appliquer pour ce Torontois de naissance: «Lorsque j’ai appris que j’étais séropositif, il y a 17 ans, je n’avais plus qu’une idée en tête. Le suicide était ma seule porte de sortie. Je suis tombé dans une spirale de dépression, et me suis renfermé dans mon propre monde, en n’ayant que la perspective de le voir s’écrouler d’un instant à l’autre.»

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Une optique dévastatrice qui n’est aujourd’hui plus du tout d’actualité. Au contraire, cet ancien joaillier a retrouvé le goût de la vie et n’a plus qu’un seul objectif, le faire partager aux autres. Et c’est avec cette force nouvelle qu’il a dédié sa vie à l’humanitaire.

Du bénévolat, il n’en fait pas seulement avec les organisations de lutte contre le sida, mais s’investit dans de nombreuses causes. Il est engagé pour Médecins du Monde et soutient diverses associations contre le cancer et d’autres maladies, comme si, sachant pertinemment qu’il «ne pouvait pas vivre sans la maladie, il avait décidé de vivre en osmose avec plutôt que de tenter de l’ignorer».

Et ce XVIe Congrès international sur le sida, qui s’invite à Toronto cette semaine, est pour lui une occasion rêvée de partager encore et toujours plus sur sa propre expérience mais aussi de s’enrichir de celle des autres.

Une composante fondamentale pour lui, qui estime que le VIH/sida est encore trop sujet aux tabous et méconnu de ses porteurs: «Beaucoup ne savent même pas la chance qu’ils ont de vivre au Canada. Ici, les soins médicaux relatifs au VIH sont payés par l’État, et l’on peut vivre avec le sida sans en souffrir quotidiennement. En Afrique, ce sont chaque année des millions de personnes qui disparaissent à cause de ce fléau. Dans certains pays, les gens meurent du sida sans même avoir conscience que cette pandémie existe.»

C’est justement dans l’optique de combler ce fossé qu’il a participé ce week-end au Toronto AIDSTrek 2006, avec l’équipe de Médecins du Monde, afin de collecter des fonds destinés à l’Ouganda. Une action qui n’est pas isolée, et qui sonne presque comme un échauffement alors que se profile un mois d’octobre crucial.

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Dans deux mois, onze jeunes séropositifs accompagneront les cadres de l’association AIDS Crusade – dont il est l’un des fondateurs – en Espagne pour un périple de 300 kilomètres sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle. Un voyage de 14 jours, notamment au travers des Pyrénées, qui les verra partir de Leon et rejoindre la place forte du catholicisme espagnol et européen.

Ceci, bien évidemment, en préambule de la Journée mondiale contre le sida, du 1er décembre, au cours de laquelle le groupe présentera très probablement un compte rendu de son voyage. Un projet de grande envergure, qu’il envisage de renouveler l’année suivante en partant à l’assaut du Pérou, sur le même concept.

Et si Léonard regorge d’idées pour apporter sa pierre à l’édifice de la lutte contre le sida, il n’oublie pas qu’il a découvert le véritable goût de la vie le jour où la maladie a failli la lui prendre: «Pendant quelques mois, j’étais cliniquement mort. Mon médecin m’avait implicitement conseillé de prendre mes précautions funéraires. Je n’oublierais jamais que je suis un miraculé de la vie… Aujourd’hui, si ce n’est quelques problèmes de cholestérol, je n’ai pas à me soucier de ma santé au quotidien. Du coup, le mieux que j’ai à faire est de me soucier de celle des autres.»

Une phrase qui se termine en éclat de rire… Une joie de vivre spontanée, qui communique chaque jour un peu plus de force aux malades qui la rencontre.

Un mélange de science et de politique

Tout l’argent du monde sera inutile pour contrer le VIH/sida sans d’importants progrès dans la prévention de nouvelles infections – un objectif qui ne peut être atteint qu’en donnant aux femmes et aux autres personnes de groupes à risque les moyens de se protéger, selon ce qu’ont dit le fondateur de Microsoft, Bill Gates, et son épouse Melinda, lors de l’ouverture du XVIe Congrès international sur le sida, dimanche soir, à Toronto.

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M. Gates a affirmé qu’en dépit du meilleur accès aux médicaments antirétroviraux, dans des pays fortement frappés par la maladie, de quatre à cinq millions de personnes sont infectées chaque année.

La fondation de M. Gates a récemment fait un don de 500 millions $ US au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et la malaria.

Les congrès internationaux sur le sida sont réputés pour mêler à la fois science et politique et cette cérémonie d’ouverture n’a pas fait exception. Le coprésident du congrès, le Dr Mark Wainberg, de Montréal, a provoqué huées et applaudissements en critiquant le premier ministre Stephen Harper parce qu’il a décidé de ne pas participer à l’événement, qui réunit 24 000 délégués de partout dans le monde.

M. Harper a fait une erreur dont l’histoire se souviendra, selon le Dr Wainberg, et son absence indique que le VIH/sida n’est pas au nombre de ses priorités.

L’acteur américain Richard Gere a aussi décoché quelques flèches bien senties en direction du chef conservateur. Il a rappelé que l’ancien président des États-Unis Ronald Reagan avait mis huit ans à évoquer publiquement le mot «sida», mais qu’à la fin de sa vie il avait regretté son long silence et qu’«il était profondément contrit».

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Envoyer un message confus à la population est la pire chose qu’un dirigeant peut faire, de l’avis de Richard Gere.

En remplacement de M. Harper, le ministre fédéral de la Santé, Tony Clement, a déclaré à l’importante foule de spectateurs que le VIH/sida exigeait une réaction historique et sans précédent. Au même moment, des cris dans la foule demandaient «où est Stephen Harper?» et les manifestants brandissaient des pancartes.

Le fondateur de Microsoft a dit qu’il invitera tous les pays à accélérer la recherche sur les microbicides – des médicaments qui peuvent empêcher le virus d’infecter une personne – et les médicaments oraux qui empêcheraient de contracter le VIH.

Bill Gates, qui a annoncé récemment qu’il allégerait bientôt le poids de ses tâches chez Microsoft pour se dédier à sa fondation philanthropique, a également déclaré que la recherche sur un vaccin contre le SIDA serait dorénavant la première priorité de la Fondation Bill & Melinda Gates.

Celle-ci a déjà contribué à hauteur de près de 2 milliards $ US à des projets de par le monde, et a annoncé la semaine dernière qu’elle offrait 500 millions $ US au Fonds global pour combattre le SIDA.

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Bill Gates a également regretté que la situation des femmes dans de nombreux pays pauvres augmente le risque de contamination. «Nous avons besoin d’outils pour permettre aux femmes de se protéger elles-mêmes», a-t-il estimé. «Ceci est vrai qu’il s’agisse d’une mère de petits enfants mariée et fidèle ou d’une prostituée qui essaie de gagner sa vie dans un bidonville. Où qu’elle vive, qui qu’elle soit, quoi qu’elle fasse, une femme ne devrait jamais avoir besoin de la permission de son partenaire pour sauver sa propre vie».

La gouverneure générale Michaëlle Jean a pour sa part parlé de la «stigmatisation» dont sont victimes les personnes malades du sida. Elle a réclamé un changement d’attitude dans toutes les parties du monde. Plus tôt dans la journée, M. Wainberg avait affirmé qu’un des objectifs du congrès consiste à assurer l’accès aux médicaments à ceux qui en ont besoin partout dans le monde, qu’ils aient les moyens de payer ou non.

L’événement sera aussi l’occasion de discuter des nouveaux médicaments et des nouvelles catégories de médicaments pour les personnes atteintes du sida.

Le congrès a attiré à Toronto le plus important nombre de participants à ce rassemblement biennal organisé depuis 21 ans. L’ex-président américain, Bill Clinton, le prince héritier de la Norvège et son épouse, l’envoyé spécial de l’ONU pour le VIH/sida en Afrique, Stephen Lewis, de même que les actrices Sandra Oh et Olympia Dukakis, doivent participer au congrès.

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