Si l’Holocauste m’était conté…

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Publié 13/11/2007 par Aline Noguès

… Je ne l’oublierais pas. C’est de cette prémisse que part Samuel Shene. Né en France en 1936 de parents juifs polonais, le petit Samuel a 6 ans lorsque son père et sa mère lui sont enlevés en pleine nuit par des gendarmes français. Ils ne reviendront pas d’Auschwitz.

La guerre lui volera également son petit frère âgé de quatre ans et demi. Le témoignage de ce survivant pourrait être un récit de plus dans un livre d’Histoire. Mais c’est en chair et en os que Samuel Shene, dans le cadre de la semaine d’éducation sur l’Holocauste organisée par la communauté juive de Toronto, est venu témoigner devant des élèves de 10e année de l’école Monseigneur de Charbonnel. Pour que l’on se souvienne. Et pour prôner le respect des différences.

«J’ai failli à ma tâche, je n’ai pas protégé mon petit frère.» Samuel Shene retient avec peine ses larmes à l’évocation de ce souvenir douloureux. De nombreux élèves, une boule dans la gorge, écrasent également quelques larmes. L’émotion est palpable dans la chapelle de l’école Monseigneur de Charbonnel.

Samuel Shene a raconté aux élèves son enfance douloureuse, l’envoi de ses parents dans les camps d’extermination, la mort de son petit frère, son changement de nom et son placement à la campagne dans une famille catholique, son exil en Israël à l’issue de la guerre…

Ne trouvant sa place nulle part, symptôme commun à de nombreux rescapés, il erre entre France, Israël et Canada.

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Pour lui, impossible de faire le deuil de sa famille: «Le seul cimetière où me recueillir est la terre d’Auschwitz couverte des cendres de ses victimes. On ne peut pas faire son deuil dans ces conditions.» Difficile également de se dégager du poids d’une certaine culpabilité: «Pourquoi ont-ils pris mon frère plutôt que moi? C’est une loterie, le destin. On se sent toujours un peu fautif d’avoir survécu.»

Aujourd’hui, Samuel Shene est inquiet. Désabusé, voyant les génocides se répéter partout dans le monde, il déplore que l’homme ne soit pas capable de se raisonner et d’apprendre des leçons du passé. Concernant les juifs, il craint que l’on ait oublié les horreurs du XXe siècle et que l’on ferme les yeux sur des propos aberrants et comminatoires: «Lorsque le président d’une grande nation nie l’Holocauste et dit qu’il souhaite effacer Israël de la carte du monde, je suis révolté et suis prêt à prendre les armes. Je ne me laisserai pas faire!»

Régulièrement, Samuel Shene se déplace dans des écoles pour raconter son histoire… avant qu’il ne soit trop tard. «Nous sommes les derniers témoins. Après nous, on pourra raconter n’importe quoi. Un jour, si ces jeunes que j’ai aujourd’hui devant moi entendent des propos négationnistes, ils se souviendront de mon témoignage et sauront que tout cela a bien existé!»

Pour nombre de ces élèves, la seconde guerre mondiale et la Shoah ne sont certes pas complètement inconnues. Mais en entendre les échos dans un documentaire ou écouter un des rescapés de l’antisémitisme en est une autre, comme l’avoue le jeune Étienne: «Voir cette personne de nos yeux crée quelque chose en nous. J’ai vraiment été frappé.» Même sentiment chez Hugo pour qui ce témoignage était «très émouvant».

Malgré les larmes versées par certains élèves, Hugo Praden, leur professeur, ne regrette pas du tout cette rencontre: «Je souhaitais que ces jeunes comprennent que l’Histoire se répète, même s’ils sont encore un peu jeunes pour suivre l’actualité et faire ces parallèles. Je voulais aussi qu’ils réalisent, eux qui ont tendance à se plaindre pour rien, qu’ils sont en fait très chanceux de vivre aujourd’hui dans un pays qui leur permet de se développer. D’autres n’ont pas eu cette chance. L’autre message était de leur faire comprendre qu’il faut accepter les autres, même si à première vue ils semblent différents de soi.»

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C’est bien ce que défendait également Samuel Shene: «Je ne suis pas là pour vous traumatiser mais pour vous avertir. Ne répandez pas la haine ou le racisme, acceptez la différence. Mais si on vous attaque, sachez lutter pour sauvegarder votre dignité. Car c’est elle qui fait de vous des hommes libres.»

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