Si la lecture est une drogue, l’éditeur est-il un pusher?

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Publié 15/02/2011 par Paul-François Sylvestre

Patrice Robitaille signe un premier roman pour grand public. L’homme qui mangeait des livres est un polar insolite, au dire de l’éditeur. Ce roman un rien farfelu, toujours au dire de l’éditeur, vous plonge dans l’univers de l’édition comme vous ne l’aurez jamais vu! Et il s’agit de l’édition franco-ontarienne puisque l’action se déroule à Ottawa, ma chère!

L’auteur a grandi dans le nord de l’Ontario et vit maintenant à Montréal. Son roman est dédié à la mémoire de Françoise Lepage, décédée il y a un an. Elle dirigeait une collection de livres pour la jeunesse aux Éditions L’Interligne et Patrice Robitaille a publié Le chenil dans cette collection. Avec L’homme qui mangeait des livres, il adopte un registre plus décapant, voire débridé.

Dès les premiers chapitres de ce roman policier, Gérard Callibaud, directeur des Éditions Callibaud, est sauvagement assassiné par un mystérieux commando. Son frère Christian prend les rênes de la maison, mais devient à son tour la cible des tueurs. Réussira-t-il à remettre les Éditions Callibaud sur les rails sans y laisser sa peau?

Le premier lieu physique mentionné dans le roman apparaît à la page 18: les Éditions Callibaud sont sises sur le chemin de Montréal, comme les Éditions L’Interligne qui publient ce roman. L’action se déroule donc à Ottawa. Ce sera mentionné un peu plus loin (page 26), puis on apprendra que le quotidien de l’endroit est Le Messager d’Ottawa.

Dans le plus court chapitre (trois petites phrases), l’auteur décrit la ville en ces termes: un endroit paisible «qui me renvoie cette image placide caractérisant Ottawa depuis toujours». Pas si paisible ou placide que cela puisqu’un commando fait rage sur le chemin de Montréal.

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Dans un roman tout est possible, même une maison d’édition franco-ontarienne cotée à la bourse. «La valeur globale [des Éditions Callibaud, d’Ottawa] atteint 448 millions.» Pas étonnant qu’un éditeur rival cherche à mettre la main sur ce joyau de l’édition canadienne (vive la fiction!). Pour y arriver. Le «commando littéraire» fait d’abord sauter quelques têtes. Lorsque Christian Callibaud arrive en scène, il survit à une explosion qui déchiquette sa secrétaire et à un projectile qui transperce sa cuisse. Que peut-il lui arriver de plus? Sa voiture pourrait exploser au cimetière… Il pourrait être enlevé par ce même commando littéraire… Sa douce moitié et son petit frère retrouvé pourraient être enfermés dans un congélateur…

Patrice Robitaille ne manque pas d’imagination; au besoin, elle s’avère débridée. Il met en scène des personnages loufoques, dont les enquêteurs Denis Breault et Roméo Boudreault. Le premier a toujours une cigarette fumante accrochée à ses lèvres, le second tète toujours un berlingot de lait. Le chien Pastèque les suit et leur obéit au mot.

L’enquête piétine «à grands pas», ce qui permet au romancier d’épicer son récit de quelques envolées saugrenues. En voici une: «Au cours de la nuit, les Éditions Callibaud sont attaquées par des mougalous, des mougalous coiffés de téguments et de plumes splendides: des plumes de Touraco, de Bucorve et d’Irrisor!»

Loin de moi l’idée de vous révéler le dénouement de cette intrigue policière. Je n’hésite cependant pas à vous dire que l’auteur livre la marchandise. J’ajouterai même ceci: puisque la lecture est une drogue, il peut arriver qu’un éditeur livre de la drogue…

En faisant un clin d’œil à Daniel Pennac, Patrice Robitaille écrit que l’éditeur a le droit de sabrer le texte, ce que n’a pas fait L’Interligne quand l’auteur a pris tout un chapitre – court, il est vrai – pour dire que Christian Callibaud se réveille et prend sa douche (chapitre 11). Je crois que le manuscrit aurait gagné à être mieux révisé. Il y a trop de détails futiles et le déroulement est trop linéaire. Cela ne convient pas, à mon avis, à un polar.

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Patrice Robitaille, L’homme qui mangeait des livres, roman polar, Ottawa, Éditions L’Interligne, coll. Vertiges, 2010, 272 pages, 19,95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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