Services en français: trop peu de Franco-Ontariens connaissent l’existence de la loi

Le commissaire aux services en français de l'Ontario, Carl Bouchard.
Le commissaire aux services en français de l'Ontario, Carl Bouchard.
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Publié 09/12/2024 par Émilie Gougeon-Pelletier

L’ex-commissaire aux services en français de l’Ontario Kelly Burke révélait en 2022 que la liste des organismes désignés pour fournir des services en français comprenait des organismes qui n’existent plus depuis près de 30 ans. Deux ans plus tard, le gouvernement Ford n’a toujours pas complètement modernisé cette liste.

La Loi sur les services en français (LSF) de l’Ontario comporte un règlement qui dresse la liste des organismes désignés pour fournir des services en français.

Kelly Burke avait jugé désuet ce règlement, dans son rapport annuel de 2022, disant «qu’il constitue un obstacle à l’accès aux services en français dans plusieurs domaines, dont la santé, la petite enfance, l’éducation, les services sociaux et communautaires et les soins de longue durée».

Elle recommandait une modernisation de ce règlement qui amasse de la poussière depuis 1996.

services en français de l'Ontario
Le rapport 2023-24 de Carl Bouchard.

En déposant son rapport annuel, jeudi, l’actuel commissaire aux services en français, Carl Bouchard, a révélé que le ministère des Affaires francophones avait apporté 59 mises à jour à cette liste depuis 2022, qu’il y a eu «des progrès», mais que le travail n’est toujours pas terminé.

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«Il y a place à l’amélioration», a noté le protecteur du citoyen de l’Ontario, en conférence de presse.

Or, difficile de savoir exactement pourquoi le gouvernement n’a pas réussi à effectuer une mise à jour complète de cette liste, même après deux ans.

Un haut fonctionnaire du gouvernement au fait du dossier a indiqué au Droit que le répertoire des organismes est mis à jour deux fois par année, en fonction de l’information reçue des ministères.

Outil numérique

«Idéalement, les francophones pourraient identifier facilement là où les services du gouvernement provincial sont offerts en français, et localiser ces services grâce à des solutions numériques», indique Carl Bouchard dans son rapport.

Selon lui, trop peu de francophones connaissent l’existence de la LSF, en Ontario.

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«Lors de mes déplacements un peu partout en province, bien des gens m’ont dit qu’ils ne connaissaient pas l’existence de la LSF», avance le commissaire.

«Même les personnes qui la connaissaient m’ont confié ne pas savoir quels sont les services du gouvernement de l’Ontario couverts par la Loi, ni où trouver ces services dans leurs communautés», a-t-il indiqué.

services en français de l'Ontario
Une employée d’une succursale de la LCBO portant un macaron vert indiquant aux clients qu’elle peut les servir en français.

Le commissaire, dont l’Unité des services en français œuvre au sein du Bureau de l’Ombudsman, recommande maintenant au ministère des Affaires francophones de rendre public un répertoire numérique complet des services couverts par la LSF.

«Un outil numérique s’appuierait sur les améliorations substantielles apportées aux services en français au cours des dernières années», a-t-il écrit.

La ministre des Affaires francophones, Caroline Mulroney, a indiqué que son ministère va examiner «attentivement» comment mettre en oeuvre la recommandation du commissaire Bouchard.

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Selon nos informations, le travail serait déjà entamé, puisque le ministère se serait récemment doté d’une plateforme numérique permettant aux organismes désignés de mettre à jour leurs informations.

Le ministère affirme avoir élaboré un plan de mise à jour sur trois ans pour effectuer ce virage numérique.

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Une épinglette du drapeau franco-ontarien sur l’uniforme d’un agent bilingue de la Police provinciale de l’Ontario.

Près de 400 cas

Le rapport annuel du commissaire révèle que l’Unité des services en français a reçu 395 cas entre le 1er octobre 2023 et le 30 septembre 2024.

C’est le plus grand nombre de plaintes faites auprès du commissaire depuis que ce bureau a été placé sous celui de l’Ombudsman de l’Ontario, en 2019.

De ces plaintes, 41,3% portent sur des organismes désignés en vertu de la LSF dans le domaine des services à l’enfance et à la famille et des services communautaires.

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Parmi celles-ci, 100 plaintes «visaient une interruption de travail de quelques mois dans un centre de services en santé mentale et de soins contre les dépendances et autres troubles dans la région de l’Est».

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Les sujets de plaintes.

Collèges et universités

Carl Bouchard assure qu’au travers de chacun des cas, les gens qui se sont plaints des services gouvernementaux après du bureau du commissaire «ont obtenu des résultats concrets» grâce à son intervention.

Il explique entre autres que deux étudiantes francophones nouvellement arrivées en Ontario ont contacté son bureau pour signaler que le personnel de l’aide financière d’un collège de langue anglaise qui gère le Régime d’aide financière aux étudiantes et étudiants de l’Ontario (RAFÉO) n’a pas pu traiter leurs demandes, faute de personnel pouvant réviser leurs documents en français.

Le collège avait demandé aux étudiantes «soit de faire traduire les documents en anglais à leurs propres frais ou d’autoriser que les documents soient envoyés au ministère des Collèges et Universités pour révision, avec un délai de traitement évalué de huit à 10 semaines».

«Ça a été un parcours du conquérant» pour que ces deux étudiantes puissent obtenir leurs services en français, a lancé Carl Bouchard, en conférence de presse.

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À la suite de son intervention, le collège a accepté les documents en français, et le ministère des Collèges et Universités a informé tous les bureaux d’aide financière de l’ensemble du secteur postsecondaire de la province qu’ils doivent accepter les demandes en français des étudiants pour le RAFÉO.

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Les organisations visées par les plaintes.

Camionneur

Carl Bouchard révèle par ailleurs l’histoire d’un francophone qui, après avoir terminé une formation de camionneur à Ottawa, avait tenté, sans succès, d’avoir accès à un examinateur bilingue pour passer son test à un centre Test au Volant, situé dans le Sud de la capitale nationale, une région désignée en vertu de la Loi sur les services en français.

«Bien que le rendez-vous ait été confirmé, le plaignant apprenait à chaque fois par le centre que l’examinateur bilingue n’était pas disponible», indique le commissaire.

L’apprenti camionneur avait obtenu une promesse d’embauche conditionnelle à la réussite de son test et les délais observés ont mis cette opportunité à risque, peut-on lire dans le rapport.

«Si je ne passe pas ce test, je perds mon gagne-pain», aurait-il dit au bureau du commissaire.

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Lorsque l’Unité des services en français a soulevé l’enjeu auprès du ministère des Transports, le camionneur a pu passer son examen, dix jours plus tard.

Le centre Test au Volant visé par cette plainte compte maintenant trois examinateurs certifiés bilingues pour les véhicules lourds, indique M. Bouchard.

Tourisme

Il fait aussi état d’un francophone d’Ottawa qui a interpellé son bureau après avoir constaté que le nom du site touristique Upper Canada Village, le Village du Haut-Canada, situé à une trentaine de kilomètres à l’ouest de Cornwall, était affiché uniquement en anglais.

«Pendant notre analyse de cette plainte, le panneau unilingue à l’entrée du site indiquant «Upper Canada Village» a été fortement endommagé à la suite d’une tempête dans la région», raconte le commissaire dans son rapport.

«En raison de notre intervention, la Commission [des Parcs du Saint-Laurent, un organisme gouvernemental] en a profité pour remplacer le panneau par une version bilingue».

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