Sermonner les Français?

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Publié 22/11/2011 par Martin Francoeur

Il y a quelques jours, la presse québécoise a fait grand état de la visite à Paris du coloré maire de Québec, Régis Labeaume, qui s’est permis de faire une sortie dans les médias sur la surabondance de termes anglais dans le paysage parisien ou français en général.


C’est un débat qui n’est pas récent et qui n’est certainement pas près de s’estomper. Les francophones d’Amérique du Nord ont leurs travers, leurs écarts linguistiques par lesquels ils empruntent certains termes à l’anglais dans la langue courante.


Mais en France, on dirait que les recours à l’anglais sont devenus la règle à suivre, notamment dans le monde de la publicité, de la commercialisation, des télécommunications, de l’électronique et de la culture populaire.


Ce n’est d’ailleurs pas un hasard que l’on parle de branding, de star-system, de magazines people, de hit-parade, de showbusiness, de marketing, de lyrics …


Ce sont là des termes transposés directement de la culture populaire américaine, fortement relayée par les télécommunications, les réseaux sociaux, la télévision, la musique, la mode.


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En France, on joue la carte de la paresse. On se doute qu’il existe probablement des termes français équivalents, mais ça fait plus hype, plus cool d’utiliser le terme anglais correspondant.


Au cinéma, on parle de remake (qui n’a pas vraiment d’équivalent français toutefois), de trailer (au lieu de bande-annonce) ou encore de blockbuster, pour décrire un film à succès populaire, souvent à gros budget.


En musique, on emploie des termes comme tribute (hommage), best of (grands succès), hit, live, unplugged band, gig, lyrics (au lieu de paroles, pourtant simple).


Chaque secteur d’activité a ses termes anglais que l’on emploie pour faire contemporain, pour s’adapter à un langage courant qui se veut décontracté, coloré, uniformisé. Les médias sont en bonne partie responsables de la prolifération de ces termes.


En France, dans un restaurant McDonald’s, on vous sert des meals, des menus best of, des McChicken McFish, McNuggets. Chez nous, on a traduit ces produits archiconnus.


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Sur Internet, alors là c’est la débandade. Les mails, les sms, les posts sont courants. En matière de télécommunications, les Belges sont aussi à blâmer. Ils n’utilisent pas des téléphones portables ou des cellulaires. Ils utilisent des GSM, acronyme de Global system for mobile communications.


Pire encore, on l’abrège en disant un G, tout simplement. Comme dans «Je n’ai pas entendu sonner mon G.» S’il s’agit d’un téléphone intelligent, alors les Français et les Belges diront le plus souvent smart phone.


La liste des emprunts directs – et abusifs – à l’anglais s’allonge. En France, on appelle souvent les Noirs des blacks.


On dit qu’il y a une vibe quand un artiste devient populaire. Ou alors que sa musique est très trendy. Les établissements licenciés offrent des happy hour.


Les cafés servent des iced coffee. Certains restaurants offrent des breakfast sandwiches. Vous pouvez à Paris magasiner – ou faire du shopping, évidemment – dans les gift shops.


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En marketing ou dans le domaine des ventes, on peut vous faire un pitch ou tester des produits sur des focus groups. Si vous sortez le soir, vous devenez un acteur du monde de la night.


Si vous êtes un Français et vous décidez plutôt de regarder la télévision bien tranquille à la maison, alors vous verrez les émissions qui passent en prime time.


Le pire, c’est que nos amis français se couvrent presque de ridicule quand ils tentent de prononcer ces mots. Il est certes plus facile pour un Nord-Américain de reproduire l’accent anglais approprié.


Souvent, les termes anglais qui s’ingèrent dans la langue française parlée sont déformés, tant et si bien qu’il serait parfois difficile pour un anglophone de les reconnaître.


Au Québec ou dans le Canada francophone, on ne fait probablement pas mieux qu’ailleurs pour ce qui est de l’emploi de termes anglais. Mais on se donne la possibilité d’utiliser des équivalents français et on peut dire qu’en général, les médias ici contribuent à répandre les termes corrects.


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Le courriel est devenu le parfait exemple d’un mot qu’on a créé pour décrire une nouvelle réalité et qui s’est largement répandu dans l’usage.


On dit souvent qu’en France, le fait d’utiliser des termes anglais est un geste désinvolte, pour faire cool ou pour faire court.


Ici, on a un réflexe de protection – qui ne se diffuse toutefois pas dans la culture populaire et le langage courant chez les jeunes –, mais au moins on se soucie de l’abus.


C’est là le nœud du problème. C’est une question d’abus. Tout simplement.

Auteur

  • Martin Francoeur

    Chroniqueur à l-express.ca sur la langue française. Éditorialiste au quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières. Amateur de théâtre.

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