Sarkozy guérit-il les écrouelles?

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Publié 11/03/2008 par Pierre Léon

L’art de la médecine est de distraire le malade pendant que la nature le guérit. – Voltaire

Vous vous rappelez sans doute que les écrouelles étaient une terrible maladie scrofuleuse, tuberculeuse, qui atteignait surtout le cou. Les rois de France avaient, depuis le Moyen-Âge, le don de guérir cette maladie en touchant la partie malade, cela surtout le jour de leur sacre.

Mais ce pouvoir, transmis évidemment par Dieu, pouvait se manifester en d’autres moments comme aux grandes fêtes religieuses de Noël, Pâques, la Toussaint, ou selon le besoin. C’était du boulot! La formule était: «Je te touche, Dieu te guérit». Louis XIII, qui n’avait encore que sept ans, à l’époque, a dû toucher plus d’un millier de plaies purulentes. Louis XIV, bien davantage.

La maladie se guérissait parfois seule lorsque ceux qui en étaient atteints prenaient quelques soins d’hygiène. Mais la guérison était grandement accélérée si le Roi s’en mêlait, d’autant que les malades devaient boire de l’eau qui avait servi à laver les mains du monarque après la cérémonie.

Tous les malades recevaient deux sols et ceux qui guérissaient avaient droits à cinq. Payer les malades pour qu’ils guérissent plus vite était une idée géniale qui ne se pratique, hélas, plus guère. Et Dieu, qui reste toujours de la partie, doit bien le regretter.

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Quand on voit maintenant le Président de la République française tendre frénétiquement les mains à travers les foules on peut penser qu’il possède un pouvoir semblable à celui des anciens rois. Tout le monde veut le toucher.

Ceux qui se laissent faire seront mieux considérés que les fortes têtes, comme celui qui s’est écrié récemment: «Touche-moi pas!» À quoi le Nicolas, qui a la répartie prompte, à répondu: «Casse-toi, pauv’con!»

Il faut dire que le Président a reçu, lui aussi, la grâce de Dieu, malgré la loi de 1905, qui décida la séparation de l’Église et de l’État. Il est allé à Rome confirmer que la France était toujours «la fille aînée de l’Église».

Il a été intronisé Chanoine Honoraire de Saint-Jean de Latran. Après quoi, il pouvait proclamer à Ryad: «Dieu n’asservit pas l’homme mais le libère»! Il n’y a qu’à voir la liberté dont jouissent les musulmans et particulièrement les musulmanes de l’Arabie saoudite pour s’en convaincre! Il a proclamé que le curé et le rabbin – oubliant l’imam, mais il va se rattraper – étaient aussi utiles que l’instituteur dans un village.

Voilà qui va faire plaisir auxdits instituteurs qui ont la sottise d’enseigner les maths, la géographie et le reste au lieu de faire réciter le catéchisme.

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Le Président a déclaré solennellement: «Je respecte ceux qui croient au ciel autant que ceux qui n’y croient pas», ajoutant: «La France a besoin de catholiques ». Merci. Mais, comme le dit François Nicoullaud dans  Français du Monde (p.1/ 148, février 2008), Sarkozy mélange deux fonctions distinctes: «Les croyances qui relèvent de convictions individuelles, mêmes si elles sont partagées, et les religions, qui sont des faits sociaux, pesant donc sur l’évolution des sociétés, notamment au travers de leurs églises».

À la Foire agricole, il est compréhensible de dire que la France a besoin d’agriculteurs comme au bord de la mer d’affirmer qu’on ne peut se passer de marins pêcheurs.

Mais vouloir faire croire aux Français qu’on ne peut espérer que si l’on a une religion, au vingt-et-unième siècle, c’est un peu fort. Nicoullaud cite la déclaration de la Loi de 1905: «La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes. Elle ne reconnaît, ni ne subventionne aucun culte.» Et il conclut: «Serions-nous capable d’écrire et de faire voter ces phrases simples et fortes aujourd’hui?» On pourrait également se demander combien de pays dans le monde seraient prêts à y souscrire?

Autre question: une fois touchés, les scrofuleux de la politique moderne sont-ils immédiatement guéris après imposition des mains? Il faut évidemment ajouter que Nicolas Sarkozy est fortement incité à écouter les messages de Dieu, quand on se rappelle que c’est LUI qui a ordonné à Bush d’attaquer l’Afghanistan, puis l’Irak, avec l’éclatant succès que l’on sait.

C’est encore LUI qui fait régner l’ordre en Iran, au Tchad, au Soudan et ailleurs dans le monde. Alors pourquoi pas en France?

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