Sarkodoux

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Publié 04/03/2008 par Pierre Léon

Le Président Sarkozy a une vie amoureuse intense. Trois mariages et des petits à-côtés dont la presse internationale ne s’est pas privée de parler. On sait tout ou presque sur les compagnes du Président. Depuis leurs robes du soir jusqu’à la tenue d’Ève de Carla. Mais quels ont été les mots d’amour échangés par ces couples?

Le vocabulaire français est très varié en ce domaine et on peut penser que, dans son premier mariage, Nicolas a utilisé les termes classiques. Ceux d’abord abstraits, passe-partout, du flirt : «Mon amour» en est le type parfait, comme amor en espagnol et amore en italien.

Mais ça a peu d’allure. «Mon coeur» me semble plus affectueux et plus joli. «Mon ange» est un peu littéraire. Carla a peut-être utilisé Tesoro mio, mais ça semble plutôt enfantin, pour une pasionaria s’adressant à un passionné!

Le français possède un vocabulaire amoureux restreint mais imagé. Le légume y est confiné au seul «chou». Nicolas a dû dire à ses femmes «mon chou» comme des milliers d’amoureux français qui emploient d’ailleurs le terme dans les deux sens – un homme à une femme et une femme à un homme.

On n’a jamais entendu «ma betterave, mon poireau, ma carotte, ma fraise, ma prune», ou même «mon chou-fleur».

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«Mon chou», c’est tout. Or, en réalité, ce chou-là semble venu d’une forme ancienne du verbe choyer. Ni Cécilia, l’Espagnole, ni Carla, l’Italienne, ne connaissent dans leur langue respective le «Chou» français qui a dû les faire rire si elles ont, comme tout le monde, imaginé qu’on les prenait pour un légume.

L’animal est plus largement représenté dans le vocabulaire amoureux du français: biche, chat, lapin, loup, poule, caille. Mais c’est tout de même aussi un domaine peu étendu. Pourquoi pas: chien, chameau, dromadaire, éléphant, crocodile, etc.?

On dit parfois «Mon canard» mais jamais «mon dindon» ou «ma pintade», comme mot doux. Il y a, dans ces derniers termes, une série de connotations qui excluent leur emploi métaphorique comme appellation amoureuse.

Pour comprendre celles qui sont retenues, il faut analyser les éléments qui les composent. Ils ont tous un premier trait commun: animal. L’amour comporte une part d’animalité. Bon.

Mais ça ne suffit pas à inclure certains termes et à exclure les autres. Les uns ont le trait: à poil (biche, chat, lapin, loup); les autres: à plume (poule, caille canard; également chouette, qui est québécois).

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Ce n’est pas la peine de chercher très loin. Les traits finalement distinctifs semblent la douceur et la gentillesse. Ils sont proverbiaux pour la biche. En outre, en italien cerbiattina mia (ma bichette) est senti érotique. Carla l’aura enseigné à Nicolas.

Pour les autres, la connotation essentielle est la douceur. Même pour le loup, s’il est parfois méchant – et l’amour peut être sauvage – il a tout de même le pelage doux.

L’espagnol est beaucoup plus abstrait et Cecilia aura surtout utilisé des métaphores comme mi amorcito (mon petit amour), mi cielito (mon petit ciel), mi cosita rica (ma petite chose riche).

Les mots tendres ne sont pas seulement affaire de vocabulaire mais aussi de jeu de langue. Ainsi, à la douceur s’allie la petitesse, rendue soit par l’épithète «petit» ou «petite» ou par un diminutif. On aura en français: «Mon chat, mon petit chat, mon chaton, mon minet, ma minette».

On retrouve le même procédé en espagnol avec «mi gatito (mon petit chat); ainsi qu’en italien gattino mio.

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On remarque, dans tous les mots doux, la présence de l’adjectif, qui est possessif – comme l’amour lui-même. De plus, en français, on préfère souvent l’emploi du masculin, en s’adressant à quelqu’un du sexe féminin. Nicolas a pu dire à Cécilia, comme à Carla: «Mon bichon, mon chaton», sans penser qu’elles étaient de sexe masculin.

Employée par un homme, cette masculinisation est encore un moyen symbolique de s’approprier la femme.

L’inversion du genre est exclue, en français, dans l’adresse aux hommes. Une femme française n’appellera jamais son mari «ma biche, ma cocotte, ma poulette…» Mais qu’en est-il dans le discours amoureux des homosexuels?

À la fin des fins, reste la voix. Les passionnés ajoutent le souffle (amoureux) à leur prononciation et parlent à voix basse (intime) avec l’intonation descendante (qui mime la caresse). Mais il y aurait un livre à écrire sur le sujet*!

Vous allez me dire que j’ai oublié bien d’autres mots doux. En ce domaine, tout le monde est poète. L’imagination amoureuse n’a pas de limites. Les femmes de Sarkozy, si elles apprécient douceur et rapidité, l’auront-elles appelé mon lapin?

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*Ce texte reprend quelques données de Humour en coin, originalement paru dans L’Express de Toronto du 21 au 26 juin 04, et se réfère aussi à P.L. Précis de Phonostylistique, Paris, Nathan, 1993).

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