Lorsque Samia Shariff est entrée dans la salle, un murmure a parcouru l’assemblée. N’y avait-il pas erreur sur la personne? Maquillée, habillée à la mode occidentale, l’auteure du Voile de la peur se promenait tête nue. C’est pourtant une femme vêtue du niqab qui apparaît sur la couverture de son livre et qui fait d’habitude des apparitions médiatiques. C’est désormais fini.
«Ça y est, je pense que je suis faite pour commencer une autre vie et ne plus avoir peur. Je ne veux plus avoir peur.» Pour la première fois, elle a témoigné à visage découvert. Quant au maquillage prononcé, Samia se justifie, dans un grand éclat de rire. «Je sais… j’exagère un peu maintenant, parce que je fais ce que je veux!»
Lorsqu’elle parle, on entend chez elle une pointe d’accent québécois, comme si elle s’était complètement fondue dans son pays d’accueil, pour en faire, enfin, ce chez soi tant espéré.
Elle commence à raconter les horreurs de son passé sur un ton presque détaché, le sourire aux lèvres, comme mue par la force de l’habitude. Mais ce n’est qu’une apparence, car brusquement, les larmes surgissent, inattendues, lorsqu’elle évoque le rapt de son premier-né par sa mère.
«C’est très pénible de raconter chaque fois mon histoire, personne ne peut évoquer un tel passé et dire que cela ne lui fait plus rien. Pourquoi je suis souriante? Parce que je suis libre de le faire, j’ai envie de raconter mais pas tout… parce que c’est trop dur.»