Rôle méconnu des Afro-Canadiens dans l’histoire du Canada

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Une colonie noire, à Athabasca Landing, en Alberta. Photo: Bibliothèque et Archives Canada/Fonds du ministère de l'Intérieur/a040745
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Publié 09/02/2024 par Chantallya Louis

Les Afro-Canadiens font partie intégrante de l’histoire du Canada. Pourtant, leur contribution à la société canadienne est quasi absente des programmes scolaires au pays.

«L’histoire des Afro-Canadiens, c’est d’abord l’histoire du Canada, lance l’historien et écrivain Amadou Ba. Ce n’est pas l’histoire séparée de l’histoire du Canada. Elle fait partie de l’histoire du Canada.»

Arrivés avec les loyalistes

Professeur d’histoire à l’Université Laurentienne, en Ontario, Amadou Ba raconte que l’histoire des communautés noires au Canada commence pendant la période esclavagiste, qui a duré plus de 200 ans dans l’Empire britannique, entre 1628 et 1833.

Au Canada, cette histoire comprend aussi des loyalistes, anciens colons américains qui soutenaient l’Empire britannique lors de la guerre de la Révolution américaine, de 1775 à 1783.

Selon Amadou Ba, environ 50 000 loyalistes ont traversé la frontière canado-américaine. Parmi eux se trouvaient 5000 Afro-Américains, qui se sont installés au Haut-Canada et au Bas-Canada, «et ces gens ont apporté leur cœur à l’édification du pays».

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Amadou Ba soutient qu’il faut donner la chance à tout le monde de connaître, de respecter et de comprendre l’histoire des Afro-Canadiens et leur contribution à la société canadienne. Photo: courtoisie

Le chemin de fer clandestin

Au Canada, se trouvent aussi des personnes d’ascendance africaine qui ont emprunté le réseau du chemin de fer clandestin pour fuir l’esclavage aux États-Unis et retrouver leur liberté. «Entre 30 000 à 40 000 fugitifs ont trouvé refuge en Amérique du Nord britannique [maintenant le Canada]», peut-on lire dans l’Encyclopédie canadienne.

«Quand ils arrivaient au Canada, c’est vrai qu’ils étaient libres. Ils n’étaient plus des esclaves», précise Amadou Ba. «Mais ils ne vivaient pas la liberté. Ils étaient racisés, les écoles étaient [ségréguées], ils n’avaient pas le droit d’aller dans les mêmes hôtels que les autres Canadiens, etc.»

D’ailleurs, la dernière école ségréguée en Ontario a fermé ses portes en 1965 et, en Nouvelle-Écosse, seulement en 1983.

L’Histoire des communautés noires, grande absente des curriculums

«Dans les faits, la majorité des programmes scolaires actuels passent sous silence le racisme envers les personnes noires au Canada, même s’ils s’attardent quelque peu sur les expériences des personnes noires aux États-Unis», peut-on lire dans un rapport de la Commission canadienne pour l’UNESCO (CCUNESCO) publié en août dernier.

Par exemple, «les Canadiens savent qu’il y a eu [de l’esclavage] aux États-Unis», ajoute Amadou Ba, consterné. «Ils savent qu’il y en a eu ailleurs. Mais ils ignorent qu’il y en a eu dans leur pays.»

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Le rapport soutient que les programmes d’études secondaires et primaires «pourraient offrir une représentation plus complète et plus significative» des contributions des Canadiens d’ascendance africaine.

Le rapport constate que «[l]orsque les enseignantes et enseignants célèbrent le Mois de l’histoire des Noirs en février, le contenu est trop souvent présenté comme distinct et à part de l’histoire du Canada – comme quelque chose à souligner durant le Mois de l’histoire des Noirs, mais qui reste en marge du programme le reste de l’année».

Documents pédagogiques

Le rapport intitulé Les communautés noires et l’éducation publique au Canada: Analyse des programmes primaires et secondaires en sciences sociales examine les documents pédagogiques publiés et accessibles pour l’ensemble des provinces et des territoires.

Il est à noter que seuls des documents en anglais ont servi à l’étude. Selon le rapport, «dans la plupart des provinces et territoires, les programmes sont très semblables dans les deux langues».

Selon le rapport, le personnel enseignant reçoit les documents pédagogiques des provinces et des territoires et peut adapter les leçons à sa guise.

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Cependant, la majorité du corps enseignant n’a pas appris cette partie de l’histoire canadienne à l’école, à l’université ou dans un programme de formation à l’enseignement.

«[L]es enseignantes et enseignants sont le fruit d’un système d’éducation qui a depuis longtemps ignoré l’histoire des personnes noires. C’est donc dire qu’elles et ils manquent de connaissances et d’aisance pour parler du sujet», peut-on lire dans le rapport.

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Bien qu’elle reconnaisse qu’il existe des initiatives ponctuelles pour encadrer l’enseignement de l’histoire des Noirs, Natasha Henry-Dixon croit qu’il reste encore du travail important à faire en ce sens. Photo: courtoisie

Une histoire mal représentée

Certaines parties d’histoire qu’on retrouve dans des programmes scolaires sont aussi mal représentées, selon Natasha Henry-Dixon, professeure adjointe d’histoire afro-canadienne au Département d’histoire à l’Université York, en Ontario.

«L’éducation a traditionnellement été encadrée autour de récits particuliers de la colonisation européenne, de la contribution européenne à l’exclusion de groupes particuliers», avance Natasha Henry-Dixon.

Même si elle reconnait qu’il y a eu des progrès pour pallier quelques lacunes, «certains récits, en lien avec la communauté noire et son histoire, continuent d’être relégués aux marges du récit traditionnel», déplore-t-elle.

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Pour Natasha Henry-Dixon, lorsqu’on parle de l’expérience des personnes afro-descendantes au Canada, on met l’accent sur la «bienveillance des Blancs et pas nécessairement sur le fait que les Noirs sont des acteurs historiques».

Même son de cloche chez Amadou Ba, aussi auteur du livre L’histoire oubliée de la contribution des esclaves et soldats noirs à l’édification du Canada (1604-1945).

Selon lui, même si les membres des communautés noires ont apporté beaucoup à l’économie, à la culture et à la société canadienne, «ces gens sont représentés très négativement dans l’histoire du Canada».

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Les personnes afro-descendantes contribuent à la société canadienne depuis le XVIIe siècle. Photo: Bibliothèque et Archives Canada/Viscountess Falkland Album/e011185574

«On doit changer les institutions»

«On est dans un système de racisme et colonisation. Si on veut changer, on doit changer les institutions», soutient M. Ba, «[car] les institutions ne représentent pas la démographie du pays.»

De son côté, Natasha Henry-Dixon croit qu’il manque une motivation morale et politique afin de créer un vrai changement. «Nous voyons un financement de projets ponctuels dans différents domaines, mais les changements structurels de politique font toujours défaut.»

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Selon le rapport de la CCUNESCO, «un programme plus complet peut être un véhicule de cohésion sociale et de respect des différences raciales, puisqu’il prépare les apprenantes et apprenants à évoluer dans une société et un monde diversifiés sur le plan racial et culturel».

Auteurs

  • Chantallya Louis

    Journaliste pour Radio-Canada, Francopresse et aujourd'hui Le Droit à Ottawa. Diplômée en Études internationales, Langues modernes, Entrepreneuriat social et Administration publique. Elle parle français, anglais, espagnol et créole haïtien.

  • Francopresse

    Le média d’information numérique au service de la francophonie canadienne, qui travaille de concert avec les journaux membres de Réseau.Presse.

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