Rois et Reine, le sixième long-métrage du Français Arnaud Desplechin, fait se dérouler deux histoires parallèles, deux vies qui coexistent sur pellicule sans pour autant vouloir s’entrecroiser, du moins au début.
Les premières minutes du film pénètrent l’existence de Nora (Emmanuelle Devos). Héroïne tragique malgré elle, Nora est ballottée d’un drame à l’autre, proie d’un destin fatal qui s’acharne sur elle depuis ses 20 ans. Cependant, au moment où la caméra se penche sur son sort, tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Nora n’est plus une jeune fille, mais une femme, une «dame» de 35 ans qui évolue dans un univers où tout lui réussit. Son futur époux est un homme riche, convenable, qui se plait à satisfaire ses moindres désirs. Nora en conlut qu’il pourra aussi bien, par le même biais,assurer un futur décent à son fils, Elias, né d’un premier mariage.
On s’en doute bien; Nora, c’est la reine de l’histoire, une Phèdre des temps modernes qui s’acharne à vouloir rebâtir, redonner un sens à sa vie. Avec son air détaché, presque absent, son regard cristallin et son visage d’opaline, elle traverse le film avec l’impassibilité d’une statue grecque, enveloppant la caméra de sa présence translucide, froide et détachée. Personne ne sait si cette froideur est de l’indifférence véritable ou bien un rempart servant à se protéger d’une nouvelle tragédie imminente.
Parce qu’elle est reine, Nora règne en maîtresse suprême sur la cour qui l’entoure. Cette dernière se compose d’un futur mari, d’un fils et d’un vieux père qui voue à la fille qu’elle est devenue un mélange d’amour et de haine.
De l’autre côté, Ismaël (excellent Mathieu Amalric) est l’ex-roi, un monarque déchu qui frôle constamment le bord du gouffre sans jamais pour autant sombrer complètement.Les séquences qui le mettent en scène viennent se superposer à celles de Nora. Curieux personnage, ce musicien prodigue contemple la folie d’un peu trop près si bien qu’il finit dans un hôpital psychiatrique, simple question d’être fixé sur son sort.