Rois et Reine d’Arnaud Desplechin à la Cinémathèque

Une fable humaine qui oscille entre burlesque et tragédie

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Publié 27/06/2006 par Marta Dolecki

Rois et Reine, le sixième long-métrage du Français Arnaud Desplechin, fait se dérouler deux histoires parallèles, deux vies qui coexistent sur pellicule sans pour autant vouloir s’entrecroiser, du moins au début.

Les premières minutes du film pénètrent l’existence de Nora (Emmanuelle Devos). Héroïne tragique malgré elle, Nora est ballottée d’un drame à l’autre, proie d’un destin fatal qui s’acharne sur elle depuis ses 20 ans. Cependant, au moment où la caméra se penche sur son sort, tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Nora n’est plus une jeune fille, mais une femme, une «dame» de 35 ans qui évolue dans un univers où tout lui réussit. Son futur époux est un homme riche, convenable, qui se plait à satisfaire ses moindres désirs. Nora en conlut qu’il pourra aussi bien, par le même biais,assurer un futur décent à son fils, Elias, né d’un premier mariage.

On s’en doute bien; Nora, c’est la reine de l’histoire, une Phèdre des temps modernes qui s’acharne à vouloir rebâtir, redonner un sens à sa vie. Avec son air détaché, presque absent, son regard cristallin et son visage d’opaline, elle traverse le film avec l’impassibilité d’une statue grecque, enveloppant la caméra de sa présence translucide, froide et détachée. Personne ne sait si cette froideur est de l’indifférence véritable ou bien un rempart servant à se protéger d’une nouvelle tragédie imminente.

Parce qu’elle est reine, Nora règne en maîtresse suprême sur la cour qui l’entoure. Cette dernière se compose d’un futur mari, d’un fils et d’un vieux père qui voue à la fille qu’elle est devenue un mélange d’amour et de haine.

De l’autre côté, Ismaël (excellent Mathieu Amalric) est l’ex-roi, un monarque déchu qui frôle constamment le bord du gouffre sans jamais pour autant sombrer complètement.Les séquences qui le mettent en scène viennent se superposer à celles de Nora. Curieux personnage, ce musicien prodigue contemple la folie d’un peu trop près si bien qu’il finit dans un hôpital psychiatrique, simple question d’être fixé sur son sort.

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Il est aussi le deuxième mari de Nora et son histoire, marquée par les excès en tous genres, fait passer le spectateur du rire aux larmes. Au fond, Ismaël incarne le pendant lumineux de sa femme.

Son désespoir joyeux, son énergie inébranlable viennent porter le film de façon superbe. Les séquences où il donne la réplique à Catherine Deneuve, en psy séduisante, pour finir par lui débiter des insanités au visage, celles où il entame une petite séance de hip-hop devant ses compagnons d’hôpital sont toutes aussi inattendues que burlesques et férocement drôles.

Histoire universelle et profondément humaine, Rois et Reine parvient à toucher les cordes sensibles du spectateur. Au fond, tout le monde peut s’identifier à Nora qui perd un homme pour en retrouver deux, qui assiste, impuissante, à la mort de son vieux père, emporté par le tourbillon de la maladie. Si son premier monologue où le spectateur la voit s’adresser directement à la caméra peut sembler d’un académisme excessif, l’intrigue de Rois et Reine, portée par le jeu irréprochable des comédiens et la grâce du propos, parvient, contre vents et marées, à se hisser vers des sommets inespérés.

Rois et Reine, le 30 juin et 1er juillet, Cinémathèque, 150 rue John. Tél: 416-968-FILM.

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