Rencontre avec Lawrence Hill, auteur du roman Aminata (The Book of Negros)

Ne pas perdre son humanité

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Publié 12/04/2011 par Annik Chalifour

Aminata dépeint l’un des personnages féminins les plus forts de la littérature récente parce qu’il illustre «le symbole de la lutte de tous les instants d’une femme pour la préservation de son identité, de sa dignité et de l’égalité dans un monde hostile à la couleur de sa peau et à son sexe», selon l’auteur. La galerie Pierre-Léon faisait salle comble lors de la visite de l’écrivain Lawrence Hill à l’Alliance française de Toronto, jeudi 7 avril.

«Comment fait-on, pour ne pas perdre son humanité face à l’esclavage, la torture, l’humiliation?», s’exclame l’auteur. «C’est cette fascination pour la transcendance de l’humain devant l’atrocité, qui m’a inspiré à imaginer le vécu d’Aminata», confie-t-il humblement.

Pour concrétiser le destin de son héroïne, le romancier a effectué d’innombrables recherches historiques à travers les lectures de récits autobiographiques, contes d’Afrique, lettres et notes personnelles écrites par des femmes noires et blanches de l’époque, documents et cartes datant du 18e siècle.

Perspective féminine

«J’ai aussi beaucoup observé les femmes dans mon environnement pour bien m’imprégner de la perspective féminine. Je me suis demandé ce que ma fille aînée, qui porte le prénom Aminata, aurait ressenti, et ce que moi-même j’aurais ressenti, si elle avait traversé une telle histoire…»

Rappelons que l’écrivain est aussi patron d’honneur et volontaire de longue date de Carrefour Canadien International (CCI) avec qui il a fait trois missions au Mali (1989), Cameroun (1981) et au Niger (1979).

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«Mes expériences de volontaire en Afrique de l’Ouest avec CCI m’ont changé pour toujours. Elles m’ont permis de découvrir l’Afrique dans tout ce qu’elle a de plus humain. Je puise une grande partie de mon inspiration dans ces expériences.»

«De l’autre côté du soleil»

L’histoire brillante et attachante d’Aminata nous transporte vers le milieu des années 1700 depuis son village africain jusqu’à sa déportation vers le sud des États-Unis, puis de son refuge sordide en Nouvelle-Écosse jusqu’à son retour en Sierra Leone, odyssée ultime de 1200 anciens esclaves.

Enlevée de son village en Afrique de l’Ouest à l’âge de onze ans et forcée de marcher jusqu’à la mer pendant des mois dans un convoi d’esclaves, Aminata est ensuite amenée à travailler dans une plantation d’indigo sur une île au large de la Caroline du Sud. «Je suis arrivée de l’autre côté du soleil… pas digne de confiance», décrit-elle.

Aminata survit grâce à ses compétences de sage-femme acquises auprès de sa mère et sa force de caractère héritée de ses parents. Mais elle reste piégée, échappant de justesse à la violence qui coûte la vie à de nombreuses personnes de son entourage.

Surpassement de soi

«Son infaillible détermination à vouloir retourner en Afrique lui permet de garder le cap sur la survie», réitère l’écrivain.

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L’histoire d’Aminata réaffirme que l’on peut tout arracher à un être humain sauf le tatouage intérieur de son identité propre, source du surpassement de soi.

L’héroïne aura la chance d’inscrire son nom dans le Registre des Nègres (Book of Negros), authentique registre de l’armée britannique qui permit à 3000 loyalistes noirs d’embarquer à Manhattan sur des bateaux à destination de la Nouvelle-Écosse après la guerre de l’Indépendance américaine.

Projet de cinéma

Gagnant de nombreux prix dont le Canada Reads de la CBC et le Commonwealth Writers’ Prize, The Book of Negros s’est déjà écoulé dans sa version originale à plus de 500 000 exemplaires au Canada.

La traduction française tant attendue du livre primé a été lancée en février 2011. Outre le Canada, le roman est maintenant disponible aux États-Unis, en Australie, en Norvège, aux Pays-Bas et en Belgique. De plus, un projet d’adaptation de l’oeuvre pour le cinéma est en cours.

Aminata est publié aux Éditions de la Pleine Lune; on peut se procurer le livre, entre autres, sur les sites d’Archambault, Renaud Bray ou Amazon.

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Lawrence Hill vit à Hamilton, Ontario, avec sa femme et leurs cinq enfants. «Mon prochain projet d’écriture est complètement différent d’Aminata. Je vais m’aventurer en toute liberté vers l’humour. Cette fois-ci sans avoir à tenir compte d’aucun fait historique», déclare-t-il modestement.
www.lawrencehill.com

Auteur

  • Annik Chalifour

    Chroniqueuse et journaliste à l-express.ca depuis 2008. Plusieurs reportages réalisés en Haïti sur le tourisme solidaire en appui à l’économie locale durable. Plus de 20 ans d'œuvre humanitaire. Formation de juriste.

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