Renaissance culturelle à Toronto

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Publié 22/08/2006 par Magdaline Boutros

Depuis quelques mois, l’effervescence culturelle de Toronto défraye la manchette de part et d’autre de la frontière ontarienne. Alors qu’à Montréal on s’inquiète de l’arrivée d’une nouvelle rivale bien décidée à se hisser au titre de capitale culturelle canadienne, nos voisins du Sud louangent les nouvelles infrastructures que la Ville-Reine construit à coup de millions de dollars.

«Goodbye Gritty, Hello Trendy» titrait le New York Times l’été dernier, avant que Le Devoir, basé à Montréal, s’intéresse à «Toronto, Ville-Reine de la culture?».

Il suffit de se promener le long de la rue University pour être véritablement plongé au coeur de la renaissance culturelle de Toronto. Musée royal de l’Ontario (ROM), Musée Gardiner de la céramique, Musée des Beaux-Arts de l’Ontario (AGO): tous font peau neuve ces mois-ci. Sans oublier la nouvelle maison de la Canadian Opera Company qui vient d’ouvrir ses portes et le futur Festival Centre où le Festival du film de Toronto aura pignon sur rue, coin King et John.

Il est donc question de gros sous et d’une redéfinition de l’infrastructure culturelle torontoise. Mais au-delà du gain marketing que représente le nouveau cristal de l’architecte David Libeskind au ROM ou encore la grande verrière que Frank Gerhy a dessiné pour l’AGO, la culture torontoise vit-elle un véritable boom?

Cette renaissance culturelle a-t-elle des assises plus profondes au niveau même du processus de création?

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Loin d’être une coquille vide, le rajeunissement des infrastructures culturelles torontoises serait à l’image même de l’effervescence culturelle qui règne depuis quelques années à Toronto, croit Vladimir Spicanovic, recteur adjoint du Ontario College of Art and -Design.

Selon ce professeur d’art contemporain, ces nouvelles infrastructures constituent un point de rencontre fécond entre l’artiste et la communauté, sans lequel aucun développement culturel durable ne peut réellement prendre racines.

«Les arts et le design n’ont jamais été aussi proches de la ‘‘vraie vie’’», explique-t-il. Le décloisonnement de l’art, jadis considéré comme une ‘‘high culture’’, permet aujourd’hui un dialogue permanent et plus intime entre le domaine artistique et son public. Les artistes en récoltent aujourd’hui les fruits. Plus accessible et plus proche de la société, l’art touche davantage de gens à Toronto, croit Vladimir Spicanovic. Les mécènes se font donc plus nombreux. Un cercle vertueux se serait créé.

Tous les organismes culturels de Toronto s’entendent sur cette nouvelle donne: les campagnes de levées des fonds n’auront jamais été aussi fructueuses. Exemple marquant: la campagne «Renaissance ROM» a permis de récolter 200 millions $, dont uniquement 60 millions $ proviennent des gouvernements. Parmi les grands mécènes, la famille Weston, propriétaire de Loblaws, a versé 20 millions $, tandis que le richissime Michael Lee-Chin a offert 30 millions $.

Les critiques se font toutefois entendre: «À Toronto, on investit plutôt dans les édifices. […] Nous faisons plutôt le choix de la création», avait lancé la ministre de la Culture québécoise Line Beauchamp à la mi-mai, en réponse à la menace de plus en plus présente de Toronto sur le plan culturel.

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Une simple question de béton, donc? «Cela signifie plutôt qu’une immense dose d’énergie et de priorités est orientée vers la culture», croit Piers Handling, directeur général du Festival du film de Toronto, un des plus grands événements culturels de la Ville-Reine. «C’est sûr que le bâtiment n’est pas une fin en soit, mais les institutions sont là pour servir les artistes.»

Elles agissent comme lieu de convergence, à la manière dont la Canadian Opera Company développe un corps de chanteurs, l’AGO stimule les artistes locaux ou le futur Festival Centre pourra soutenir les réalisateurs canadiens, les incitant du coup à rester à Toronto plutôt qu’à converger vers Hollywood.

«C’est véritablement une relation symbiotique entre les deux [les infrastructures et le processus de création]. On ne peut imaginer une situation où beaucoup d’argent serait consacré aux arts, mais où les artistes n’auraient pas de lieux à la hauteur où présenter leurs créations. Ça ne fait pas de sens, les deux évoluent main dans la main.»

Et les chiffres lui donnent raison. D’après le rapport Richard Florida, Toronto se classerait au premier rang des villes canadiennes «super-créatives». Un heureux mélange de conditions sociales, culturelles et économiques créerait l’environnement le plus susceptible de voir naître des activités de création.

Vladimir Spicanovic, qui est établi à Toronto depuis quatre ans, ne peut s’imaginer trouver ailleurs un milieu aussi stimulant: «Je ne connais aucune autre ville en ce moment dans le monde qui vit un aussi grand enrichissement de sa vie culturelle.»

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Avec les nouvelles infrastructures et le multiculturalisme toujours grandissant de Toronto – un moteur de créativité sans pareilles – il voit Toronto se hisser parmi les villes les plus créatives et imaginatives du globe d’ici une vingtaine d’années.

De nouvelles idées germent déjà entre les murs de l’hôtel de ville pour renforcer l’image de Toronto, ville culturelle. Un projet de rénovation des stations de métro le long de la rue University serait en cours de réflexion, pour permettre à différentes manifestations culturelles et artistiques de s’y exprimer. Une façon de rendre l’art plus accessible à un maximum de gens et de donner une vitrine supplémentaire aux institutions culturelles.

«Les bâtiments et les infrastructures sont les emblèmes de cette énergie et de cette effervescence qui va faire de Toronto une ville de classe mondiale sur la scène culturelle», conclut Vladimir Spicanovic.

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