Rémy Beauregard, de l’Ontario à l’Ouganda

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Publié 11/03/2008 par Aline Noguès

Lorsque l’on a passé une bonne partie de sa vie à se battre pour le respect des droits de la personne, le mot «retraite» ne signifie pas grand chose… C’est ce que l’on constate en regardant la trajectoire de Rémy Beauregard. Ce Franco-Ontarien, très actif au sein de la francophonie ontarienne et directeur exécutif de la Commission des droits de la personne de l’Ontario pendant plus de sept ans, a quitté la fonction publique en 2001 pour se lancer dans l’international. Après avoir oeuvré au Rwanda puis au Congo, il vient de s’envoler de nouveau pour l’Ouganda, pour quatre mois. En déplacement dans le Nord du pays, il a accepté de répondre aux questions de L’Express.

L’Express: En quoi consiste votre mission?

Rémy Beauregard: Il s’agit d’étendre à trois communautés du Nord du pays, là où la guerre sévissait avec l’Armée de la résistance du Seigneur, un programme de représentation légale offert à des enfants en conflit avec la loi ou victimes de violence sexuelle.

C’est l’organisme War Child Canada (WCC) qui gère le projet, grâce à un financement du gouvernement canadien. WCC offre aux enfants les services d’avocats et de travailleurs juridiques qui ont aussi comme mandat de faire de la formation de personnel oeuvrant dans le système judiciaire.

Je suis chargé de continuer ce travail de formation entrepris l’an passé, et de travailler de concert avec le responsable du programme sur la violence sexuelle.

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Quelles sont les difficultés d’une telle mission?

Dans le Nord de l’Ouganda, où les structures ont été complètement détruites par la guerre civile, les difficultés sont surtout liées aux communications et à l’absence d’infrastructures. Par exemple, il n’y a pas, dans le système judiciaire, de structures pour accueillir les enfants. En conséquent, nombre d’entre eux sont incarcérés avec des adultes.

Essayer de consolider un système judiciaire viable dans un pays instable comme l’Ouganda, n’est-ce pas plus ou moins voué à l’échec… et décourageant?

Ce n’est pas un travail qui donnera des résultats du jour au lendemain, mais certains gestes quotidiens donnent de l’espoir. Nous ne sommes pas là pour instaurer le système judiciaire mais pour faire œuvre utile envers les enfants qui sont aux prises avec des problèmes légaux. Si aujourd’hui je pose un geste qui permet à un enfant d’être protégé, cela me suffit.

Les pays d’Afrique ont connu la colonisation. Aujourd’hui, des ONG ou divers gouvernements s’impliquent pour donner de l’aide à ces pays: comment ne pas passer pour un «Blanc donneur de leçons»? Est-ce une position délicate?

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On ne vient pas ici imposer nos valeurs, nous venons partager notre savoir, notre expérience et suggérer des avenues de solutions.

Vous avez pendant longtemps oeuvré au sein de la francophonie ontarienne. Pourquoi ce changement de cap?

Je n’ai pas changé de cap. Mon travail au sein de la francophonie visait la reconnaissance des droits linguistiques et culturels, ce que je fais ici est dans la même veine. Cela fait 35 ans que je travaille dans le domaine des droits de la personne. Et ces questions dépassent les frontières de l’Ontario. Je suis donc dans la continuité de ce que j’ai toujours fait, mais tout simplement… ailleurs.

Votre départ en Ouganda le mois passé s’est fait de manière assez précipitée: est-ce un mode de vie qui vous convient, de devoir ainsi faire vos valises pour l’étranger, afin d’y mener de tels programmes?

C’est un mode de vie qui apporte son lot d’inconvénients, comme celui d’être éloigné de personnes qui nous sont chères, ou encore d’avoir à vivre énormément de peine, de stress et d’anxiété lors de la maladie ou du décès d’un être aimé, alors que l’on est à l’autre bout du monde. Partir, c’est aussi abandonner ses activités habituelles et ne plus pouvoir partager de bons repas gastronomiques avec ses meilleurs amis!

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Par contre, donner espoir à des enfants qui n’ont vécu que la guerre et avoir la chance de vivre une expérience humaine enrichissante, cela change notre vision de la vie pour le reste de notre existence. Mais pour pouvoir comprendre, il faut voir, sentir et toucher l’Afrique ou tout autre continent en voie de développement!!!

Qu’est-ce que cette expérience vous a apporté?

C’est une expérience humaine importante pour l’âme et l’esprit. J’ai découvert récemment une prière juive qui dit qu’il ne faut pas renoncer à un travail juste parce que les résultats à atteindre semblent au-delà de nos moyens.

Concrètement, si je m’arrêtais pour examiner toutes les violations des droits des enfants dans le monde, et particulièrement en Afrique, je serais sans doute porté au découragement. Mais il ne faut pas pour autant baisser les bras. Je ne suis pas ici pour corriger tous les torts que l’on fait aux enfants, mais pour alléger les souffrances de ceux que je peux aider afin qu’ils puissent vivre des jours meilleurs.

L’an passé, j’ai rencontré un nombre important d’enfants, garçons et filles, qui ont été enlevés pour être utilisés comme enfants-soldats, comme esclaves sexuelles et ménagères des soldats rebelles, ou pour repérer les mines anti-personnelles, au risque de sauter sur l’une d’elles…

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Travailler avec eux et pour eux est exigeant, cela demande de l’énergie et la capacité de ne pas s’arrêter sur leur «mal de vivre». Mais quelqu’un doit le faire malgré la dimension de la tâche à accomplir… et je ne suis pas le seul à m’impliquer!

Pour vous, que signifie le mot «retraite»? Vous ne comptez pas vous reposer un peu?

Mon épouse Suzanne et moi œuvrons en Afrique depuis près de cinq ans et tant et aussi longtemps que la santé nous le permettra, nous continuerons à aider ceux et celles qui sont dans le besoin.

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