Regards sur l’expérience palestinienne

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Publié 23/09/2014 par Janine Messadié

Le cinéma palestinien est encore très jeune, mais il est chargé d’une mémoire très ancienne. Il fait son apparition en 1935, avec un premier documentaire de Sarhan Hassan, racontant la visite du roi Saoud en Palestine, mais il disparaît en 1948 avec la guerre et la création de l’État d’Israël.

Le cinéma palestinien va alors se développer en exil, d’abord en Jordanie, puis au Liban, où il est financé entre 1967 et 1970 par l’OLP – l’Organisation de libération de la Palestine – qui crée une division cinématographique, mise au service de la révolution palestinienne avec la réalisation de films explicitement politiques.

Suivra dans les années 70, le Comité artistique, crée cette fois par le «Front démocratique pour la Libération de la Palestine». C’est la période du cinéma militant ou du cinéma de combat avec les films comme L’Intifada en 1975 et Contre le siège en 1978.

Les premiers films au langage véritablement esthétique viendront seulement à partir de 1980 avec le cinéaste Michel Khleifi (formé en Belgique) et d’autres réalisateurs de grands talents qu’il a inspirés.

Depuis 1990 avec les Rachid Macharawi, Elia Suleiman, Maï Masri, Subhi Zubeydi, Annemarie Jacir et tant d’autres qui s’imposent avec une telle créativité, le cinéma palestinien reste parmi les plus prolifiques et les plus engagés du cinéma mondial.

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Les cinéastes et réalisatrices de l’intérieur ou vivant en exil ont acquis notoriété et renommée, avec un cinéma unique, original, percutant, troublant et poétique – des documentaires, des fictions, des courts métrages et des films d’animation, qui sont autant de regards sur l’expérience et l’identité palestinienne.

TPFF

C’est ce cinéma que nous verrons du 27 septembre au 3 octobre à Toronto, dans le cadre de la 7e édition du Toronto Palestine Film Festival (TPFF).

Fondé en 2008 pour commémorer le 60e anniversaire de l’exode palestinien de 1948, «Al-Nakba» (le désastre ou la catastrophe), le TPFF a été créé pour enrichir nos connaissances sur la Palestine et la culture de ce pays.

Dania Majid est née à Toronto d’un père palestinien et d’une mère libanaise. Elle est l’une des organisatrices et la programmatrice du festival. Chaque année elle fouille dans la production palestinienne à l’affût d’œuvres cinématographiques.

«Les films que nous choisissons sont des témoignages de vies brisées sous l’oppression, de résistance contre le mur de la honte, de réaffirmation de l’attachement des Palestiniens à leur terre, mais aussi et surtout des témoignages d’espoir d’une vie meilleure…»

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Gaza, la jeunesse, les chants de liberté à travers la musique ou le théâtre, l’exil et le retour dans les territoires occupés, la Nakba sont les thèmes exploités dans les 22 films présentés cette année.

«Des films qui offrent des points de vue personnels et courageux sur la réalité palestinienne», indique Dania Majid. «Je dis courageux parce qu’il n’est pas facile de tourner vu la situation spécifique et complexe de la Palestine. Il faut souvent un permis de tournage délivré par l’État israélien. Ce qui n’arrive pas toujours, alors les réalisateurs se débrouillent comme ils le peuvent.»

«Il faut aussi composer avec les murs, les soldats, mais les réalisateurs et les femmes cinéastes se mobilisent créent des regroupements pour faciliter la production. Rien ne les arrête! Et nous on est là pour faire connaître ce cinéma.»

Palestine Stereo

Comme film d’ouverture, Dania Majid a choisi Palestine Stereo de Rashid Masharawi, réalisateur connu et reconnu, dont les films et les documentaires ont été récompensés à maintes reprises.

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Elle précise: «Rashid Mashawari a grandi dans un camp de réfugiés de la bande de Gaza. Il vit et travaille à Ramallah, où il a créé en 1996, le Centre de production et de distribution cinématographiques dans le but de promouvoir le cinéma local. Je dirais qu’il est le parrain de la nouvelle génération de cinéastes palestiniens. Ils forment les jeunes de la relève. Il devait venir à Toronto pour la projection de son film, mais il est en tournage quelque part sur le continent africain.»

Remarqué dans plusieurs festivals et présenté au TIFF (Festival international du film de Toronto) en 2013, Palestine Stereo raconte l’histoire de Sami et Milad, deux frères qui projettent de quitter la Palestine pour s’établir en l’Australie, après le bombardement de leur maison familiale. Il sera projeté le 27 septembre à 19 h au TIFF Bell Lightbox.

Il y aura également lors de la soirée d’ouverture la projection de Gazonto (mariage de Gaza et Toronto) un court-métrage troublant du réalisateur et scénariste canadien John Greyson, qui imagine Toronto sous les bombardements massifs, perpétrés depuis le 7 juillet dernier sur la bande de Gaza assiégée et occupée par Israël: des attaques spécifiques sur un café bien connu à Toronto, sur le centre de diffusion de la SRC, l’Université de Toronto et le Scarborough Injury Rehab Centre. Greyson simule un jeu vidéo pour illustrer l’horreur de la guerre et de la violence.

Parmi les films à découvrir

Omar, de Hany Abu-Asad, film qui a remporté le prix spécial de la section Un certain regard au Festival de Cannes en 2013 et qui a également été choisi pour représenter la Palestine aux Oscars cette année dans la catégorie meilleur film en langue étrangère. Projection: 28 Septembre à 18 h au Cinestarz Theatre, Mississauga.

Giraffada, de Rani Massalha, sur la dureté de la vie quotidienne des Palestiniens ordinaires, soumis à l’occupation israélienne. Film inspiré d’une histoire vraie, celle de Yacine, vétérinaire dans le dernier zoo de Palestine. Projection: 29 septembre, à 19 h, au Jackman Hall de l’AGO.

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Cinema Palestine de Tim Schawb, un documentaire incisif sur la vie et le travail de cinéastes palestiniens, ceux de l’intérieur et ceux de la diaspora. La projection du film a lieu le mercredi 1er octobre à 19 h au Jackman Hall de l’AGO en présence du réalisateur montréalais. Elle sera suivie d’une discussion qui portera sur l’émergence du cinéma palestinien. Tim Schwab sera entouré de l’acteur, metteur en scène et réalisateur palestino-israélien Mohammad Bakri (Giraffada) et de, Mais Dawarzah la réalisatrice de My Love Awaits Me By The Sea, le film de clôture du festival.

My Love Awaits Me By The Sea est un film poétique d’une grande sensibilité, qui raconte le retour de la cinéaste en Palestine, à travers les dessins de Hasan Hourani, à qui elle rend un vibrant hommage.

Cet artiste palestinien venait de terminer un livre d’illustration et de poésie pour enfants, Hasan Is Everywhere, juste avant sa mort tragique par noyade dans la mer interdite de Jaffa, en 2003. Projection en présence de Mais Dawarzah, le 3 octobre à 19 h, au TIFF Bell Lightbox.

Brunch et exposition

Sahtain! Un brunch palestinien… des mets typiques, préparés par Isam Kaisi (le chef du 93 Harbord et de District Oven). C’est le 28 Sept. 11 h à Beit Zatoun, 612 rue Markham. Il y a aura également projection du documentaire Resistance Recipes.

Suivra à 14 h un panel post-brunch avec Laila El-Haddad, journaliste, auteure et blogueuse de Gaza, qui parlera de nourriture, d’identité et de résistance. Elle signera aussi son livre The Gaza Kitchen: A Palestinian Culinary Journey.

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Enfin, l’exposition d’art du TPFF cette année est consacrée à l’œuvre du photojournaliste et écrivain Ali Mustafa, militant engagé dans le domaine de la justice sociale qui était basé à Toronto et qui a été tué en Syrie alors qu’il couvrait la guerre.

The photography of Ali Mustafa propose des photographies de la Palestine, de l’Égypte et de la Syrie. Du 29 septembre au 3 octobre au Jackman Hall de l’AGO.

www.tpff.ca

Auteur

  • Janine Messadié

    Communicatrice d'une grande polyvalence. 30 ans de journalisme et de présence sur les ondes de Radio-Canada et diverses stations privées de radio et de télévision du Québec et de l’Ontario français. Écrit depuis toujours...

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