Rage ou la violence scolaire mise en scène

Raymond veut qu’on l’appelle Rage. Pourquoi? Parce qu’il explose parfois. Après un exposé sur Hitler où il s’est un peu trop impliqué selon son professeur, Raymond doit rencontrer la psychologue scolaire, afin d’expliquer son comportement et la violence avec laquelle il s’est exprimé devant ses camarades. La situation dérape et la pacifiste médiatrice se retrouve confrontée à une réalité qu’elle refusait jusque-là de voir.

La violence à l’école est un fait. On se rappelle tous des tragédies comme les tueries de Colombine ou de Polytechnique. Rage, de Michelle Riml – traduction de Sarah Migneron – donne des clés de compréhension pour saisir comment un élève peut passer du mauvais côté, celui du bourreau manipulateur qui ne recule devant rien.

Chaque cas se révèle différent, mais l’école, le modèle scolaire doivent accepter leur part de responsabilité devant le comportement déviant de certains élèves. Rage réussit plutôt bien à l’école, il est intelligent et cherche à aller aux fonds des idées, des convictions.

Pour son exposé sur Hitler, il a tenté de se mettre dans la peau du personnage, pour être «presque lui». L’appui des foules, sa qualité d’orateur exceptionnelle et la forme du message autant que le fond devaient prendre une place importante dans la présentation de l’adolescent.

Un peu trop dans ce personnage, Rage frappe dans une poubelle et donne un coup de poing dans un mur. Pour son professeur, c’est assez. Il veut le renvoyer. Intervient alors la rencontre avec Laura, une jeune travailleuse sociale qui doit discuter avec Raymond afin de décider si ce dernier représente une menace pour les autres élèves.

La jeune femme tente de percer le mystère de Rage, les raisons de ce comportement de confrontation directe. Pacifiste, calme, Laura veut incarner la non-violence et la paix.

Elle a donné un discours l’an passé, après la mort d’une élève sur la manière dont le changement de points de vue individuel peut changer le monde. Si chacun agit un peu sur soi-même et ne juge pas l’autre sans le connaître, la paix viendra d’elle-même.

L’intelligence de Rage pousse Laura à aller au bout de son raisonnement et remet en question ses valeurs les plus profondes. Rage veut lui montrer qu’elle se cache derrière une façade et qu’elle ne règle absolument pas ses problèmes personnels. Laura est prisonnière de Rage. Il a un fusil et la solution doit se terminer dans un bain de sang, telle est la volonté de l’élève. Lui ou Laura.

Organisé dans sa pensée, Rage propose un choix horrible à Laura, mourir en martyre pour ses convictions sur la non-violence ou le tuer et vivre, ce qui irait à l’encontre de ses principes. Mise en face de sa propre réalité, de sa vie amoureuse bancale de son rôle minime dans l’école, de son confinement dans un espace du sous-sol, Laura subit les foudres de Rage qui tente de rester fort malgré des faiblesses à peine dissimulées.

Lina Blais, dans le personnage de Laura Whalen et Marc-André Boyer, Raymond aKa Rage, occupent la scène avec l’aisance de ceux qui ont joué et rejoué une pièce pendant des mois. Complices, partenaires, ils parviennent à créer une atmosphère stressante pour le public qui ne sait plus à quoi se fier. Parfois calme, presque tendre la mise en scène devient violente et haletante. Que va-t-il se passer ?

Durant la pièce, l’arme passe de Raymond à Laura, se retrouve cachée, elle est au cœur de la pièce sans en devenir l’axe unique. Savant mélange de psychodrame et de réalité, Rage questionne le public, enfants et adultes sur le sujet tabou de la violence à l’école. Elle peut prendre multiples formes, mais comment se retrouve-t-on une arme au poing menaçant une travailleuse sociale?

Complexe, miné et déterminé le personnage de Raymond possède plusieurs traits dans lesquels les jeunes se retrouveront, et pour les parents et profs, cette pièce doit amener une réflexion sur la connaissance qu’ils ont de leurs enfants – élèves.

Si elle peut heurter par sa manière crue de raconter et de dévoiler les choses, la pièce Rage touche là un point crucial qui tourmente notre société.